Xavier Veilhan, chef d’orchestre
REGARD TRANSVERSAL ENTRE ART ET ARCHITECTURE
Texte : Alexandra Fau
Image à la une : Xavier Veilhan, Studio Venezia (2017), vue d’installation Pavillon français, Biennale di Venezia.
L’exposition de Xavier Veilhan ON/OFF aux Galeries Lafayette en 2014 pourrait bien augurer de ce qui se joue actuellement au pavillon français depuis l’ouverture de la 57e Biennale de Venise (jusqu’au 26 novembre 2017). Le Studio Venezia est une plateforme de création musicale qui accueille des musiciens de tous horizons tentés par ce studio d’enregistrement à la tonalité particulière par son architecture et le prêt exceptionnel d’une console vintage de Nigel Godrich, producteur de Radiohead. Xavier Veilhan, qui s’est imposé depuis les années 90 par ses sculptures comme substrats d’autres images, prend pour cette exposition-consécration le contrepied de l’hyper-visibilité. De fait, il arrive que le studio ait délaissé le studio. Le risque pris par l’artiste est néanmoins mesuré au vu des prestigieux commissaires (Christian Marclay, Lionel Bovier), des partenaires, des mécènes et de la diffusion du projet au-delà des frontières par le biais de la musique.
QUESTIONS À XAVIER VEILHAN :
Alexandra Fau : Comment envisagez-vous ce moment de consécration dans votre carrière ? Le moment est-il venu d’avoir une vision rétrospective ?
Xavier Veilhan : C’est un moment important pour moi qui offre une grande visibilité. J’ai réactivé des choses déjà présentes dans mon travail comme La Forêt de 1998. J’avais aussi conçu Sans titre (Le Studio) en 1993, un environnement inerte sculptural qui emprunte à la typologie du studio d’enregistrement. Pourtant, Venise est un aboutissement vers quelque chose qui n’était pas anticipé.
A.F. : Le pavillon national complètement métamorphosé cède la place à un environnement à la lisière entre sculpture, architecture et studio d’enregistrement. Quel rôle joue la musique ?
X.V. : La musique est un facteur d’élargissement. On vit dedans comme dans une architecture. Elle propose un espace par défaut. Un espace qui demande à être investi, mis en vibration. On rentre dans un écoulement du temps qui devient visible alors que les arts visuels sont des instants encapsulés.
A.F. : En quoi le projet est-il différent de celui des Galeries Lafayette ON/OFF ?
X.V. : Il s’agit cette fois d’un enregistrement plutôt qu’un concert. Le décor aux Galeries Lafayette était constitué à partir de formes retournées ou déshabillées, des stands de produits de beauté transformés et recyclés du grand magasin. Je conçois une forme ambiguë entre architecture, mobilier et machinerie. Et de cette forme émerge une production musicale. Il m’importe de remonter assez loin dans le processus de création musicale, à un moment où l’on n’est pas encore prêt. Faire ressentir un moment qui n’est pas forcément glorieux mais unique. Ce sont des formes construites qui échappent au monolithique, au quantitatif.
A.F. : Vous souhaitez aider les musiciens à produire en dehors des schèmes commerciaux, mais que dire des arts plastiques ?
X.V. : J’aime bien considérer ce que je fais comme relevant non pas de l’ordre de la culture mais de l’ordre de l’art, échapper à l’évaluation. Or l’art ne se note pas. Échapper à la norme tiendrait dans la prise de risques, impossible à assumer si l’on était plus impliqué dans le réel. Il y a des choses que je comprends à travers les objets d’art. L’art permet de comprendre sans que cela soit de l’ordre de la rhétorique. J’applique cela à l’architecture, cette forme d’évidence. Je parle de mon expérience d’amateur d’art.
A.F. : De fait, les projets s’inscrivent souvent dans une filiation ; vous citez le Merzbau de Schwitters, vous avez rendu hommage à des figures de l’architecture…
X.V. : Oui, j’aime bien ce rôle de fan. Être cette fois-ci du côté des artistes musiciens alors que je ne pratique pas la musique. Même face aux arts visuels, domaine dont je connais bien les ficelles, je reste admiratif. Je me complais dans cette position un peu double, en devenant spectateur, je deviens témoin de ma position dans ce paysage. (…)
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