RÉALISATION
NOUVEAU SIÈGE LE MONDE – SNØHETTA & SRA ARCHITECTES
En investissant la dernière parcelle constructible de la ZAC Paris-Rive-Gauche, face à la gare d’Austerlitz et en tête du pont Charles-de-Gaulle de Louis Arretche et Roman Karasinski, le siège du Groupe Le Monde conclut avec éclat l’épopée urbaine lancée dans les années 1990. Extraits de l’analyse signée Sophie Trelcat.
UN CONCOURS HAUT DE GAMME
En novembre 2014, une consultation d’architecture était ouverte par les responsables décisionnaires de la Ville et du groupe le Monde ainsi que par l’assistant maître d’ouvrage Redman. Le programme : formaliser la représentation d’un groupe composé de plusieurs rédactions, aménager un auditorium d’une capa – cité de 196 places, un restaurant d’entreprise, une cafétéria, ainsi que 300 m² de commerces en rez-de-chaussée. Huit équipes internationales sont invitées à concourir : HardelLeBihan, Manuelle Gautrand, David Chipperfield, Shigeru Ban, 3XN et Snøhetta ainsi que Rem Koolhaas et Renzo Piano Building Workshop. En janvier 2015, l’équipe de Snøhetta rafle la mise. Regroupant un collectif de plus de 200 collaborateurs, l’agence norvégienne s’était fait connaître en France notamment en 2012 avec le Centre international de l’art pariétal, Lascaux IV. Lors d’une conférence donnée en octobre 2019 à Bordeaux au centre d’architecture Arc en rêve pour les trente ans de création de l’agence scandinave, Kjetil Thorsen, architecte cofondateur de Snøhetta, synthétisait ainsi les principes de son agence : « Chacun de nos projets traduit une attitude vis-à-vis du monde, à l’opposé d’une simple démarche formelle. Ils sont pensés en termes de liens et de propositions ; ils viennent s’inscrire et prendre corps au sein des assemblages qui fondent nos réalités contemporaines toujours composites, multiples et mêlées. L’objet d’architecture ou de design n’a pas de valeur en soi ; il vaut pour l’expérience qu’il rend possible. » Cette façon d’envisager le projet, en tant qu’objet de pensée, se raccorde à l’attention étroite dont Snøhetta considère le paysage dans sa globalité et trouve une résonance particulière pour le projet du Groupe Le Monde. Urbain ou naturel, le paysage forme le terreau du projet et ce dernier va trouver sa puissance expressive aux frontières de différentes disciplines à même/susceptibles de nourrir l’architecture.
CONTRAINTE DE TAILLE
La conception du projet rencontre toutefois une contrainte de taille : la parcelle que vient d’acquérir le groupe est formée d’une succession de trois dalles, celle du milieu, chevauchant les voies ferrées, étant non constructible. Dès lors, Kjetil Thorsen s’interroge : « Comment établir le lien entre la commande d’un seul bâtiment et l’existence de deux sites, de plus au-dessus d’une gare ? » Snøhetta répondra à la question en imaginant un bâtiment pont, dont la partie centrale abrite des surfaces de bureaux surplombant une place publique. Cet argument capital aura su convaincre le jury.
QUAND UN GLOBE RENCONTRE UN PARALLÉLÉPIPÈDE
Le concept de bâtiment pont proposé par l’équipe de Snøhetta procède d’une manipulation géométrique des volumes : un parallélépipède rectangle élémen – taire – 140 m de long pour 37 m de haut – comme excavé par l’impact de deux globes géants virtuels sur ses deux plus longs côtés. Cette prise en étau creuse les façades et génère un vide central en partie basse du volume, formant ainsi une arche d’une portée de 80 m traversant le bâtiment. Le bénéfice de ce morcellement est double : conçu comme un ouvrage d’art, le franchissement enjambe sans appui la parcelle centrale non constructible et offre de surcroît dans l’épaisseur de son tablier des surfaces de bureaux. « Avec la sphère, nous pouvons découper des arches et modeler le volume. Nous avons créé un bâtiment pont permettant le passage du public sous l’immeuble en direction de la gare et du quartier de la Salpêtrière. Quand on est dans le bâtiment on est en dehors de la sphère et, vice versa, quand on est en dehors du bâtiment, on est dans la sphère », précise Kjetil Thorsen. La complexité du dessin de l’édifice réussit à rentabiliser le ratio entre surfaces bâties et terrain disponible à la construction. Au-delà de la question du foncier, cet inventif modelage, en déconcertant les regards routiniers sur la ville par la dynamique de ses courbes, construit aussi de nouvelles émotions plastiques. Tandis que l’arche nouvelle s’inscrit dans la mémoire patrimoniale en adressant un salut confraternel aux arches anciennes du pont et du viaduc d’Austerlitz.
Fiche Technique :
MAÎTRE D’OUVRAGE : Groupe Le Monde
ASSISTANCE DE MAÎTRISE D’OUVRAGE : Redman
MAÎTRE D’ŒUVRE : Snøhetta
MAÎTRE D’ŒUVRE DÉLÉGUÉ : SRA Architectes
MAÎTRE D’ŒUVRE D’EXÉCUTION : CICAD
CALENDRIER : concours : 2014-2015 ; livraison : 2020
BET : consultants ingénieurs pour le concours : Bollinger & Grohmann ; ingénieurs structure : Khephren Ingeniérie ; bureaux de Contrôle SPS : Veritas ; conseil environnement : Greenaffair ; conseil incendie : CSD-Faces ; BET Fluides, ascenseur, coordination SSI : Barbanel ; ingénierie des façades : Arcora ; BET acoustique : LASA ; BET cuisine : Conceptions Nouvelles
ÉCONOMISTE : Gleeds
ENTREPRISE STRUCTURE ET FAÇADES : Eiffage métal + Goyer
FAÇADES DE L’ARCHE : Glauser + AAB
CLOISONS, PLÂTERIE, PEINTURE : Vallée
SURFACE : 22933 m 2 net (SDP)
BUDGET : confidentiel
CERTIFICATIONS : HQE, EFFINERGIE+
Texte : Sophie Trelcat
Photos : Snøhetta et Solveig Placier
Visuel à la une : Le nouveau siège du Monde se dévoile alors que l’on arrive du pont Charles-de-Gaulle © Solveig Placier
Retrouvez l’intégralité de l’article au sein d’Archistorm daté Mars – Avril 2020