Avec le collège de Tréfaven à Lorient, onze04 Architectes et Valero Gadan Architectes & Associés conçoivent un objet sculpté empreint d’une certaine théâtralité. Cette architecture revendiquée émotionnelle répond également, programme oblige, à une nécessaire reconfiguration urbaine, entre parcs et forêts, entre ville et fleuve côtier.
Le collège propose trois volumes à la fonction distincte : au nord-est, le bâtiment enseignement et la salle polyvalente accompagnent la dilatation de la place vers la rue piétonne ; au nord-ouest, le gymnase protège la zone pavillonnaire de la vie inhérente d’un collège d’une capacité de 650 élèves en 20 divisions avec une extension possible à 22 divisions ; au sud-ouest, la restauration referme la cour de récréation et la protège des vents dominants, très présents. Dans le respect du programme, les concepteurs portent une attention particulière à la fluidité des circulations des élèves, plus particulièrement dans les périodes d’intercours et de récréation.
Espaces larges, éclairage naturel zénithal le plus souvent, surveillance facilitée sont la norme pour les espaces intérieurs comme la robustesse et la facilité d’entretien le sont pour les revêtements de sols et les murs de couleurs non salissantes, pour les baies vitrées – pas d’équipement ni de qualification spécifiques – et pour l’occultation des salles et espaces de travail. Malgré l’implantation d’îlots végétalisés – très en-deçà cependant de la proposition initiale des architectes, proposition amendée par la maitrise d’ouvrage pour des raisons d’investissement maîtrisé et de maintenance facilitée – les utilisateurs jugent la cour trop minérale. Mais rien n’est figé : constat aidant, des réflexions se profilent pour accentuer la présence de la nature dans le collège…
Au-delà de l’outil pédagogique performant, fruit d’une relation de confiance, sans interférence, entre le maître d’ouvrage et les architectes, Tréfaven préfigure l’établissement idéal, non ostentatoire, dans la ville idéale de demain, porteur de valeurs du développement durable, implanté en ville mais noyé dans la nature entre parcs et rives du Scorff. Sans attendre la nécessaire période d’appropriation, le corps des enseignant plébiscite l’organisation générale, les vues, le volume, les surfaces, et … l’isolation phonique. Même s’ils quittent leur cocon – quartier et ancien collège – les 500 élèves apprécient eux-aussi ce nouvel environnement, souvent avec curiosité et parfois avec entrain comme pour l’amphithéâtre aux gradins rétractables… Quant au choix esthétique assumé de mettre en scène le béton brut, il s’offre à la discussion … alors que le choix des murs en bois, en contraste, remporte tous les suffrages.
Extraits d’entretien avec David Lappartient, président du conseil départemental du Morbihan
Quelle est la politique du département en matière de collèges publics ?
Le département assure l’accueil, la restauration, l’hébergement, ainsi que l’entretien général et technique des collèges publics.
En matière de travaux, il met en œuvre des programmes portant sur des opérations de construction, de restructuration, d’entretien et de maintenance, pour répondre à la fois aux besoins nouveaux, par exemple en termes d’évolution des effectifs ou encore des innovations pédagogiques, etc.
Naturellement le maintien du parc en état est aussi une priorité. Nos programmes intègrent aussi des objectifs spécifiques sur des thématiques techniques ou règlementaires comme la remédiation du radon, l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, l’accessibilité, l’efficacité énergétique.
S’agissant des travaux de maintenance, bâtiments et espaces verts, notre organisation, modifiée en 2017, repose désormais sur un dispositif qui confie aux collèges les opérations simples – surveillance quotidienne, entretien courant, gestion des situations urgentes – et à sept unités territoriales basées sur le territoire départemental les autres interventions que sont les chantiers programmables et les interventions spécialisées.
Quel fut le processus de sélection pour Tréfaven ?
Le département a reçu 97 dossiers de candidatures ! En présélectionner trois sur dossier est une marche particulièrement complexe, très formatée. Entre analyse et sélection, le processus organisé en plusieurs tours, fondé sur les compétences, les références et les moyens, est sévère. Les trois finalistes reçoivent alors le programme que le jury choisit, projet anonyme contre projet anonyme, toujours sans audition des candidats, après l’analyse préalable de la commission technique. Respect du programme fonctionnel, bonne traduction dans l’organisation spatiale, démarche architecturale expliquée et appréciée, lien avec l’environnement comptent pour autant d’atouts de l’équipe retenue.
Extraits d’entretien avec Gustavo Silva-Nicoletti, architecte fondateur onze04 Architectes, et Jérémy Boutet, architecte associé Valero Gadan Architectes & Associés
Vous définissez le site comme un piège pour architectes. Pourquoi ?
Le site, quasi fermé car encadré par un jardin bucolique au nord et un parc superbe au sud, est magnifique en rive de Scorff.
Quand on descend du quartier de Kerentrech, on traverse une parcelle en contrebas formée d’une très belle végétation pour déboucher sur celle dévolue au collège. De cet ex-terrain de football, on gagne le parc du Bois-du-Château, un des plus grands et des plus beaux de Lorient. Reste la puissance de la rive du Scorff. Le piège est là : on peut facilement oublier cet environnement paysager et maritime alors que deux collèges doivent être démolis au profit d’un équipement nouveau avec une réalité sociale disparate et une hétérogénéité de la construction, entre deux quartiers : des tours contre des pavillons à l’image bretonne…
Apparemment idyllique, le site se révèle complexe par cette dualité sociale et urbaine. Faute de tendance, faute de constance, insérer et intégrer un bâtiment est quasi impossible. Cet équipement ne doit pas modifier ni perturber le fonctionnement du site avec ce vide central qui relie, à pied, différents lieux de vie.
Tout au contraire, il doit renforcer le lien avec la création d’un axe de connexion est-ouest avec un espace connecté au fleuve côtier, et d’un second nord-sud, entre l’entrée du collège et le gymnase et la salle polyvalente.
Lieu du savoir, lieu républicain par essence, le nouveau collège devient un lieu repère dans la ville qu’on doit parfaitement identifier en lui offrant quatre façades et un accès visibles, lisibles, clairs. L’entrée côté Scorff est inévitable avec l’implantation initiale du hall dont toute la conception découle…
Comment s’organise le fonctionnement du collège ?
Dans les trois dimensions : sur le parvis sur le Scorff, une opportunité rare, se connectent logiquement le hall et l’administration qui marquent le lieu du savoir ; au rez-de-chaussée, on recense les fonctions en relation avec la cour – salles de cours et d’études, infirmerie – et avec la salle polyvalente, le gymnase et la restauration ; à l’étage, se trouve le centre de documentation et d’information, espace précieux mis en avant sur le parvis, et quelques salles banalisées ; au second étage, prennent place les salles particulières, technologies et arts.
Tous les parcours sont parfaitement identifiables avec la connexion de tous les niveaux. Du cœur du bâtiment, un vide de dimensions importantes et rares, se découvre le fonctionnement du collège avec une orientation dans trois directions : les côtés d’un angle droit et la bissectrice. De ce vide, on voit tout, selon la notion de vide relationnel de Martin Heidegger…
Nous entretenons volontairement une certaine théâtralité entre l’espace et la lumière – zénithale et naturelle – afin de concevoir une architecture émotionnelle.
Vous évoquez souvent la rigueur…
… nos deux agences d’architecture sont obsédées par la rationalité et la rigueur. Cela transparait dans la géométrie et les calepinages exigeants, nécessaires dans ce lieu d’apprentissage : le collège est à l’image de cet enjeu quand la rigueur fait partie de l’apprentissage, support du développement du collégien. Notre architecture se veut pragmatique, maîtrisée, sans artifice comme en atteste le travail du béton brut simplement lasuré ou du bois brut verni contrepoint plus chaleureux.
Les tonalités sont plutôt chaudes avec l’apport de la lumière naturelle qui valorise ces matériaux.
L’écriture extérieure des façades facilite la lecture des volumes.
Le bardage isolant en aluminium légèrement réfléchissant, sans ostentation, ondule tel le Scorff. Au fil de la journée, au fil de la météo, entre soleil, nuage et pluie, le bâti réfléchit son environnement et conduit à l’image d’un objet précieux. En rez-de-chaussée, un travail cinétique sur le bois et sa couleur renforce le dynamisme de la construction. L’aspect du bardage, assemblage architecturé et coloré de l’alu et du bois, varie en fonction de la déambulation, renforce le dynamisme de l’architecture et joue avec la perception des piétons au fil de leur marche.
Fiche technique :
Maitre d’ouvrage : Conseil départemental du Morbihan
Maitrise d’ouvrage déléguée :Bretagne Sud Habitat
Maitrise d’oeuvre mandataire :onze04 Architectes
Maitrise d’oeuvre associée : Valero Gadan Architectes & Associés
Paysagiste : onze04 Architectes + Valero Gadan Architectes & Associés
Surface bâtiment : 6160 m² SDP
Livraison : 2022
Texte : Pierre Delohen
Photos : Juan Cardona
— retrouvez le Focus sur le collège Tréfaven, Lorient, onze04 Architectes et Valero Gadan Architectes & Associés dans Archistorm 118 daté janvier – février 2023 !