Urbaniste et philosophe, Marion Waller semble constamment questionner la ville et ses auteurs. On devine une curiosité constante et une envie de contribuer aux changements des modèles préétablis dans sa volonté de lier philosophie, architecture et politique comme pour rappeler le sens premier du mot politique, l’organisation de la cité. Rencontre avec l’ancienne conseillère Architecture et Patrimoine de la Mairie de Paris, actuelle directrice générale du Pavillon de l’Arsenal.
En tant que directrice générale du Pavillon de l’Arsenal, vous êtes aux premières loges des questionnements sur la ville. Observez-vous une mutation des métiers de l’architecture ?
Oui et elle est nécessaire, car le modèle économique général de la ville préexistant était avant tout fondé sur la création de mètres carrés nouveaux. Aujourd’hui ce modèle est en train de basculer et cela a un impact sur tout le monde : les architectes, les promoteurs, les villes… Il s’agit d’une période un peu vertigineuse pour chacun, mais d’une transition nécessaire d’un point de vue écologique.
Le véritable enjeu aujourd’hui est de trouver ensemble un nouveau modèle qui permette une approche de la ville plus éthique, tenant compte des changements climatiques et de leurs impacts majeurs sur ce que signifie faire de l’architecture.
Cela implique nécessairement de lier la pratique de l’architecture à celle du paysagisme, car la question des sols vivants devient toujours plus prégnante. Nous allons également nous diriger vers davantage de porosité entre architecture et urbanisme. Tous ces métiers vont se retrouver autour des grandes questions de notre époque. Comment loge-t-on encore les personnes en créant moins de mètres carrés, moins de bâtiments neufs ? Comment respecter les sols ? Comment transforme-t-on ? Cela change profondément les pratiques et c’est une bonne chose.
Quel est, selon vous, le rôle de l’architecte aujourd’hui et quel sera-t-il demain ?
J’ai toujours considéré l’architecte comme un chef d’orchestre. Il doit mettre autour de la table énormément de compétences pour créer des choses justes. L’architecte peut être au centre de cette transformation éthique, en faisant appel aux paysagistes, aux écologues pour comprendre précisément le milieu dans lequel il intervient.
De nombreuses jeunes agences d’architectes pratiquent architecture et paysagisme car elles ne conçoivent pas les choses autrement pour intervenir sur des territoires à risque climatique par exemple.
Je crois aussi au rôle de l’architecte-chef d’orchestre pour aller vers des territoires qui sont un peu plus délaissés. Les maires ont besoin des architectes pour savoir comment recréer de la vitalité. L’architecte pourra en effet intervenir sur les pieds d’immeubles, sur l’espace public pour également attirer et maintenir les commerces.
Il s’agit là encore autant d’un sujet d’envie que de compétences réunies : compétences économiques, compétences de concertation… Les architectes recherchant fondamentalement les solutions pour les villes trouveront un rôle qui leur correspondra. Les rôles s’inventent maintenant.
Existe-t-il une architecture idéale ? Si oui, quel est son visage ?
Pour moi l’architecture idéale est une architecture profondément contextuelle et écologique, pour pouvoir être éthique. Il n’existe pas une forme idéale. Les étudiants en école d’architecture se posent toutes les bonnes questions pour activer cette transition. Leur sujet de fond est de trouver comment construire ou créer, transformer, sans dégrader l’environnement. Aujourd’hui, les architectes cherchent des réponses. Ils souhaitent fondamentalement contribuer à ces réponses mais ils ont aussi besoin que tout le monde se pose les bonnes questions.
Existe-t-il une figure de l’architecture que vous aimeriez saluer à travers cette interview ?
Il est toujours important de citer les pionniers. Lacaton et Vassal illustrent pour moi une architecture proche des êtres, qui prône la rénovation. Ils étaient en avance et j’aimerais les saluer pour cela. Ensuite, il existe toute une nouvelle génération d’architectes très pluridisciplinaire, engagée, mêlant plusieurs pratiques. Je pense, à titre d’exemple, aux Marneurs. À la fois architectes, paysagistes et urbanistes, ils travaillent beaucoup sur les territoires à risque climatique, des communes qui œuvrent à la revitalisation des centres-villes et des petits villages. Atelier Soil travaille sur la question de la ville à hauteur d’enfant mais pas seulement. Je me réjouis de voir autant de personnes engagées, alignées sur les défis à relever.
Par Annabelle Ledoux
Photo de couverture : Pavillon de l’Arsenal © Pierre L’Excellent
— Retrouvez l’article dans Archistorm 129 daté novembre – décembre 2024