Après avoir dirigé Habitat et Humanisme pendant plus de sept ans, elle a depuis quelques mois pris les rênes de la jeune association Filière Hors-Site. Mue par sa nouvelle mission, Céline Beaujolin fédère autour de la construction hors-site, documente le sujet et contribue ainsi à dessiner la ville de demain.
Comment et pourquoi créer l’Association Filière Hors-Site ?
Neuf organismes ont tout d’abord partagé le constat de la difficulté actuelle de faire émerger des projets de qualité avec une prévisibilité fiable de délais et de budget. À la fois maîtrises d’ouvrage publiques ou parapubliques, ces neuf structures se sont très rapidement rejointes sur l’idée que la construction hors-site pouvait être un moyen de travailler ces objectifs.
La Filière Hors-Site a ainsi vu le jour à la fois pour développer ce mode de construction mais également et surtout pour faire évoluer les pratiques. Nous ne visons par le 100 % de constructions en hors-site. L’enjeu est de parvenir à retrouver de la qualité par une industrialisation amenant à une plus grande prévisibilité, par une recherche sur les matériaux, l’objectif d’une réduction de notre empreinte carbone, etc.
Relever le défi signifiait rechercher une représentativité d’acteurs. L’association est ainsi composée de neuf collèges spécifiques. Il s’agit d’une plateforme d’échanges et de partages pour toutes les parties prenantes de la construction en hors-site. Nous faisons ce pari de l’intelligence collective et disposons d’un rôle de représentation auprès des pouvoirs publics. L’État peut ainsi disposer d’un interlocuteur unique, d’une force de propositions et d’actions.
La construction hors-site constitue un changement d’approche. Filière Hors-Site existe aussi pour accompagner les acteurs dans ce changement. Le procédé constructif remodèle la manière de travailler en induisant une collaboration main dans la main plus en amont entre architectes, industriels, maîtres d’ouvrage, entreprises générales. Le procédé induit une nouvelle répartition des rôles, des responsabilités et des missions.
L’objectif de Filière Hors-Site est de parvenir à ce que le sujet du hors-site soit compris, admis et maîtrisé par le plus grand nombre. Tous les donneurs d’ordre doivent connaître cette solution et s’interroger sur la pertinence de sa mobilisation lorsqu’ils lancent de nouvelles opérations de construction, rénovation ou réhabilitation.
Notre logique consiste aussi à développer des filières territorialisées. Si le modèle industriel actuel peut répondre à la commande et peut fournir davantage, nous souhaitons déployer la force de frappe de l’industrie hors-site dans une logique de maillage local, lié aux matériaux géosourcés.
Nous estimons que le hors-site représente aujourd’hui 5 % du chiffre d’affaires de la construction. Nous souhaitons qu’il atteigne 15 % d’ici quelques années. Cela nous permettra d’accélérer notre capacité à construire, de proposer des produits plus qualitatifs et de rehausser nos exigences collectives, de stimuler des approches et pratiques plus vertueuses.
Quel rôle les architectes détiennent-ils dans cette transformation ?
Je pense que les architectes ont un rôle majeur à jouer dans l’évolution des modèles constructifs. L’équation à résoudre n’est pas facile pour aboutir à des programmes socialement et environnementalement vertueux, qui se tiennent financièrement et qui aient une qualité d’usages dans le temps.
La crise du logement est systémique, il existe un véritable enjeu sociétal à répondre à cette question. Nous arriverons à répondre à ce sujet en revoyant notre manière de construire. En proposant une capacité de produire des bâtiments plus légers, plus rapidement, le hors-site s’invite dans le sujet du « refaire la ville sur la ville ». Le hors-site dispose d’avantages en termes de réversibilité, de transportabilité amenant à une pérennité renforcée. Il s’agit d’une option pertinente pour la surélévation ou encore d’une solution à mobiliser sur le grand sujet de la rénovation énergétique, notamment en milieu occupé.
Quelle figure aimeriez-vous saluer pour son travail, sa démarche architecturale ?
J’aimerais saluer toutes ces agences qui acceptent de se remettre en question pour répondre aux problématiques sociétales. À titre d’exemple, j’applaudis l’approche du programme UNIK, initié par l’Armée en 2021 pour repenser et moderniser le logement militaire en France. Ce projet ambitieux met en œuvre des solutions durables et innovantes hors-site, en s’appuyant sur une équipe d’architectes plutôt jeunes et très motivés, tels que Vincent Lavergne.
Par Annabelle Ledoux
Visuel à la une : Usine Ossabois Le Syndicat © Grégory Tachet
— Retrouvez l’article dans Archistorm 130 daté janvier – février 2025