Populus, premier hôtel à bilan carbone positif des USA.

Stratégiquement situé au cœur du centre civique de Denver, l’hôtel Populus incarne une icône architecturale de la politique d’avant-garde environnementale et de développement durable menée depuis plus de trente ans par la capitale du Colorado. Il est l’œuvre de Jeanne Gang connue pour sa philosophie d’« idéalisme réalisable » !

Denver, ville d’exception(s)

Fondée en 1876, l’ancienne ville minière fut une étape de la Conquête de l’Ouest. Ses 716 577 habitants font de la capitale du Colorado la 26ville la plus peuplée des USA. Elle s’est développée dans la vallée de la rivière South Platte aux pieds orientaux des Rocheuses et aux portes occidentales des Grandes Plaines. Avec 1000 m minimum d’altitude et 52 sommets à plus de 4270 m, le Colorado est l’état américain le plus haut. Denver est d’ailleurs surnommée The Mile-High City (1609 m d’altitude soit un mile) ! Ses 600 parcs et espaces naturels en font l’une des villes les plus vertes des États-Unis.

On y décompte à ce jour plus de 1300 km de pistes cyclables, sa principale artère étant exclusivement réservée aux piétons et aux cyclistes. Son climat semi-aride lui vaut d’être ensoleillée 300 jours par an. Elle a su devenir une métropole dynamique à taille humaine offrant un mélange unique d’histoire, de culture, de nature et d’activités de plein air.

Des acteurs engagés

Implanté au Colorado, en Pennsylvanie et dans l’état de Washington, Urban Villages Inc. est un développeur immobilier qui conçoit, construit, et investit dans des projets dynamiques et intégrés générant des bâtiments extraordinaires consommant moins d’énergie, moins de matériaux et favorisant la biodiversité. Il s’est porté acquéreur de ce terrain à l’angle de la 14th Street et de Colfax avenue dont la proue fait face au Civic Center Park que ceinturent l’hôtel de ville, la Cour d’appel et le Capitole de l’état, tout proche du très fractal Denver Art Museum dessiné par Daniel Libeskind.

Il a confié l’exploitation de l’hôtel de 265 clés à Aparium Hotel Group – jeune marque hôtelière américaine engagée à redéfinir l’expérience de l’hospitalité à travers sa mission « Hotels Done Differently ». Elle combine le sens des affaires avec le charme des hôtels de style de vie indépendant et des concepts architecturaux d’hébergement et de restauration d’avant-garde.

Urban Villages Inc. a choisi le Studio Gang pour faire de cette opération de douze étages (12 451m2) la nouvelle icône architecturale de Denver. « Denver atteint un équilibre unique entre le fait d’être une ville dynamique et une porte d’entrée vers certains des paysages naturels les plus impressionnants du pays. Notre objectif a été de nous inspirer de ce caractère urbain distinctif et de cette écologie riche pour créer un bâtiment qui contribuerait à définir l’horizon de cette ville prospère », explique Jeanne Gang, associée fondatrice du studio, pour son premier projet dans la région du sud-ouest américain.

© Jason O’Rear

Une architecture inspirée

Investissant l’intégralité de la parcelle triangulaire et dépourvu de tout espace dédié au parking, l’édifice semble faire un clin d’œil au célèbre Flatiron Building de New York. Mais il s’en démarque par les trois étonnantes façades immaculées festonnées verticalement qui le caractérisent et dont les ondulations correspondent aux largeurs de chambres. Sur une structure béton intégrant des cendres volantes afin de réduire la quantité de carbone émise lors de la construction, les panneaux ont été préfabriqués en béton renforcé de fibre de verre (GFRC) lavé à l’acide pour faire ressortir l’agrégat du matériau et donner au bâtiment sa teinte naturelle et lumineuse. « Chaque élément comporte une série de fenêtres distinctives dont la géométrie est inspirée des motifs caractéristiques des peupliers faux-trembles (Populus tremuloides) si caractéristiques du Colorado, décrypte l’architecte. Elles évoquent les marques sombres en forme d’œil laissées sur l’écorce des arbres suite à la chute de leurs branches inférieures à mesure qu’ils grandissent. Plusieurs se parent d’une visière qui canalise l’eau de pluie tout en ombrageant les vitrages. Les fenêtres changent de taille et de forme en fonction des espaces publics et privés qu’elles éclairent. Celles du socle s’élèvent à 30 pieds (9,144 m) de hauteur pour encadrer les entrées et les vues sur l’hôtel tout en animant la déambulation piétonne à ses alentours. Depuis les chambres d’hôtel en étages, les clients ont une vue immersive sur le Capitole de l’État et le Civic Center Park voisins et sur les montagnes Rocheuses, au lointain. Les baies de certaines chambres sont dotées de sièges intégrés, offrant des espaces habitables où les clients peuvent se lover au plus proche de la nature. »

Le rez-de-chaussée accueille la réception sous double hauteur, le restaurant Pasque et un bar à café de part et d’autre du sculptural escalier cintré investissant la proue et desservant le centre de remise en forme, un salon modulable et un espace évènementiel constituant le premier étage. Au douzième et dernier étage, une vaste terrasse crénelée constitue le rooftop du restaurant-bar Stellar Jay d’où l’on peut embrasser le panorama.

Nature intériorisée

Conçue par Wildman Chalmers Design assisté d’Emma et Michelle Fowler pour le mobilier, l’architecture intérieure se veut plus contextuelle en proposant à la clientèle une expérience sensorielle, celle d’être au cœur d’un bosquet de trembles, et éthique en prescrivant un maximum de matériaux durables, naturels et/ou recyclés. Ainsi, les lattes de bois constituant le plafond du hall réutilisent celui de clôtures à neige du Wyoming ; le comptoir du Pasque est surmonté d’une sculpture en reishi (obtenu à partir de mycélium) ; un mur en yakisugi (bois brûlé japonais) accueille les clients du sky-bar… Une quinzaine de tapis Navajo sont accrochés ici ou là. Les ascenseurs diffusent des enregistrements sonores captés dans les forêts de l’état par Jacob Job, le chant des oiseaux variant selon les conditions météorologiques, l’heure de la journée ou les saisons.

La municipalité de Denver est tombée sous le charme de l’architecture de Jeanne Gang qu’elle a retenue pour travailler sur le Civic Center Park !

Par Lionel Blaisse
Visuel à la une : © Jason O’Rear

— Retrouvez l’article dans Archistorm 131 daté mars – avril 2025