DOUBLE/PORTRAIT – DESIGN D’ESPACE
STUDIO GGSV GAËLLE GABILLET & STÉPHANE VILLARD
Créé en 2011 par Gaëlle Gabillet & Stéphane Villard, le studio GGSV produit et imagine un design réflexif, des commissariats d’expositions, des recherches sur le design. Le duo répond à des invitations, à des propositions et commandes, ou encore se fait force de proposition.
Gaëlle Gabillet donne des cours à l’Ensad de Reims (qui entretient des projets de recherches avec le laboratoire de Philosophie de l’Université de la ville) et Stéphane Villard dirige l’atelier de projet INFORME à l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle, ENSCI / Les Ateliers, Paris.
Lauréats de la Carte Blanche VIA 2011 avec le projet « Objet Trou Noir », en 2018, ils enchaînent des projets les plus surprenants, prestigieux et inventifs.
Au printemps dernier, on pouvait expérimenter leur hommage inventif pour les 40 ans du centre Pompidou dans la Galerie atelier d’enfants : « Galerie Party » de septembre à janvier 2018, qui donnait couleur, chair et espace à un conte tout frais sorti des célèbres tuyaux bleus du Centre, mettant en œuvre un imaginaire débridé qui signe la fidélité des deux artistes à leur goût de l’enfance : Stéphane Villard avoue avoir eu une admiration pour le design Barbapapa dès sa jeunesse. Fantaisie et réflexion, humour et intelligence se retrouvent dans toutes leurs interventions.
L’artiste Liu Bolin, connu pour ses mises en scène d’invisibilité, rendue possible par des camouflages, a été leur invité, faisant de cette galerie un espace vivant de l’art pour les enfants comme pour les adultes. Faire habiter le rêve et la pensée, sans emphase, c’est ce qu’est arrivé à faire le duo de designers bien singuliers.
La présence par l’absence, la réflexion sur le moins par l’ajout est dans la ligne du collectif, qui, avec l’objet « trou noir » est entré dans les collections du Centre Pompidou. Il met en œuvre un design qui réfléchit sa propre interaction habituellement obvie avec le monde industriel et la remet en question.
Ces objets sont faits d’une matière « ultime » recyclée et sont eux-mêmes recyclables à l’infini. Ils prennent en compte l’urgence écologique face à laquelle nous nous trouvons. Jamais il ne prend prétexte d’un art décoratif, à la solde de la production et du luxe pour se soustraire à l’éthique de la création. La Forme reste liée à l’Idée. Si certains d’entre vous pensent que Design et Intelligence sont des oxymores, ils doivent se pencher sur les propositions de Gaëlle Gabillet et de Stéphane Villard qui assument l’étiquette d’intellectuels. Ici, il s’agit de proposer des objets qui n’ajoutent rien au monde mais en soustraient de la matière abîmée pour restituer des fonctions.
Pour le Milan Design Week, ils ont repensé le Palazzo Stamskin à l’intérieur de l’Espace Santa Marta. Ils en ont fait, à partir du matériau Stamskin, issu de l’industrie nautique (sorte de cuir hydrofuge coloré), une expérience immersive onirique à partir d’une restructuration en deux dimensions colorées de l’espace. Leur pratique est à la lisière de l’architecture intérieure et de l’installation.
Ils seront cette année résident à la Villa Médicis à Rome et préparent conjointement le réaménagement intérieur du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
Ils sont à eux deux à l’origine d’un bouillonnement créatif tout à fait remarquable et explosif. On pouvait les voir aussi à la Design Miami/Basel avec leur dancefloor psychédélique cet été en juin 2018. En plus du sens de l’humour et de la polysémie auraient-ils aussi le don de l’ubiquité ?
Texte : Maud Benayoum
Visuel à la une : Installation « Palazzo Stamskin » avec la participation de Serge Ferrari fabricant du Stamskin et commanditaire de l’installation, Milan Design Week 2018 © GGSV
Retrouvez le double/portrait du studio GGSV au sein d’Archistorm #93