L’agence Chatillon Architectes, fondée il y a trente-cinq ans par François Chatillon, a acquis sa renommée dans les domaines de la rénovation, de la restauration et de l’architecture d’intérieur, mais aussi dans celui de la construction neuve, ce qui est moins connu. En effet, l’agence privilégie la transformation à la démolition, et propose des réponses contemporaines fondées sur l’histoire des lieux. Aujourd’hui, alors que le métier prend conscience qu’il est plus judicieux, pour le bilan carbone, de réhabiliter plutôt que de détruire, le travail de l’agence prend tout son sens, en valorisant l’existant dans l’économie du projet. Le champ de l’investigation historique est affûté, prêt à pérenniser l’usage, « en mémoire ». C’est en partie cette philosophie qui a permis aux réalisations de Chatillon Architectes d’être récompensées à de nombreuses reprises par des prix nationaux et internationaux.
Au coeur de l’agence, l’activité grouille de projets plus emblématiques les uns que les autres, mais aussi de talents, dont celui du fils de François Chatillon, désormais pleinement investi dans l’agence. La relève s’annonce déjà. Alors, dix ans, vingt ans ou trente-cinq, ce qui compte est cette méthode infaillible et unique, acquise au fil des projets : saisir la mémoire, ne cesser de regarder pour comprendre, s’enrichir du regard d’autres sachants, car « la mémoire part très vite, la volatilité est terrible*. »
Ces temps-ci, deux livraisons en région marquent l’actualité, les Bains municipaux de Strasbourg et la Résidence Eisenhower à Reims, juste après la livraison historique du musée Carnavalet et en attendant la livraison de l’immense Palais, le Grand (Palais) justement. Saisissons là l’occasion de nous pencher sur ces réhabilitations historiques tout en réinterrogeant, à la lumière du témoignage exclusif de François Chatillon, les dichotomies sous-jacentes entre « architecture » et « architecture d’intérieur », modernité dépouillée et décor, patrimoine et usages contemporains !
« L’agence regroupe une cinquantaine de talents. Simon Chatillon, mon fils, de même architecte, et diplômé de l’École d’architecture de Paris-Val de Seine, s’investit beaucoup. Il s’attache à démontrer une autre facette de notre travail, notre capacité à nous inscrire dans la production contemporaine. Ma fille, Sarah Chatillon, a fait l’École du Louvre et, de même, collabore avec l’agence, en tant que conseil en décoration, achat de mobilier et achat d’art. Élise Quantin, directrice, connaît parfaitement les décors. L’ensemble des collaborateurs dépasse la fracture du siècle dernier entre modernité architecturale et décors. Et puis, l’écologie nous réapprend à regarder les matières », souligne d’emblée François Chatillon. Justement, de la richesse de ces matières nous apprenons beaucoup en regardant ces deux dernières réalisations sur lesquelles l’agence a eu l’opportunité de travailler.
Construits par l’architecte Fritz Beblo, à partir de 1905, les Bains municipaux de Strasbourg sont un lieu emblématique de la ville. Très cher à ses habitants, le bâtiment nécessitait à la fois une restauration, une réhabilitation et la création de nouveaux espaces afin de lui permettre de redevenir une piscine ancrée dans son temps et tournée vers l’avenir. Cette mission a été confiée au groupement composé de Chatillon Architectes, TNA Architectes, Eiffage, Equalia et Quadriplus.
« C’est un bâtiment qui ne laisse pas indifférent. Quand on le visite, il y a un rapport poétique très clair à l’espace, à la lumière. Il a beaucoup de charme. C’est une construction d’inspiration à la fois antique et néo-régionale. Et ce mélange de l’architecture néo-alsacienne et de la référence antique ne jure pas. Cet équilibre est fragile, et il fallait le conserver », explique François Chatillon. Et d’ajouter « nous avons gardé des carrelages en grès cérame autour de la piscine intérieure. Pour moi, il était hors de question de les jeter. Nous avons restitué les enduits. Les associations du patrimoine ont sauvé les bassins, alors qu’il était question de mettre de l’inox. »
« Nous avons souhaité proposer également de nouvelles fonctions au rez-de-jardin et aux étages des ailes du bâtiment, en soulignant les traces du passé, comme le marquage de l’ancienne trame constructive déposée pour permettre l’agrandissement ou la mise en relation de certains espaces », explique Antonin Gilles, architecte directeur du projet pour Chatillon Architectes, et dont François Chatillon explique qu’il n’a rien lâché ! (…)
Texte Anne-Charlotte Depondt
Visuel à la une Bains municipaux de Strasbourg, rénovation d’un emblématique lieu de vie et de nage © Cyrille Weiner
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