Du 9 février au 22 avril 2023, La Verrière de la fondation d’entreprise Hermès à Bruxelles accueille Chryséléphantine, une exposition personnelle de Marion Verboom, qui s’entoure pour l’occasion de quelques contributrices et contributeurs.
Comme les élévations que Marion Verboom donne à voir, le titre de l’exposition, Chryséléphantine, est un enchevêtrement de lettres familières qu’il faut s’amuser à décortiquer. Grâce à ce titre énigmatique et à ces formes hybrides, l’artiste nous téléporte dans des temporalités multiples. Dans ce cas précis, le terme chryséléphantin caractérise une technique de sculpture apparue en Grèce aux alentours du viᵉ siècle av. J.-C., se matérialisant par l’utilisation de plaques d’ivoire et d’or assemblées sur une armature de bois. Une statue créée avec cette technique est appelée une statue chryséléphantine.
Ce terme, qui définit l’assemblage de deux matériaux que tout oppose, définit bien l’œuvre contrastée de Marion Verboom.
Pour sa première exposition en Belgique, l’artiste poursuit sa production autour d’une sculpture qui s’amuse de la dissonance et qui joue avec les motifs de différentes époques. Fruit, entre autres, d’un séjour bruxellois, de nouvelles œuvres en côtoient de plus anciennes.
Dans ces véritables chryséléphantines contemporaines, on retrouve le lexique polyglotte de l’artiste : Achronie 32 (2022) est une composition à taille humaine qui rassemble à lui seul plâtre, pigments, peinture et résine. Cette sculpture, construite par un empilement de différents blocs, regorge de motifs et de couleurs variées. Chaque amas semble avoir été arraché à une civilisation distincte et s’oppose au précédent. Il y a bien là un bas-relief dont les naïves formes bovines nous évoquent la sculpture antique, mais celui-ci repose sur un socle vert aux motifs indatables… Nous ne sommes pas dans l’anachronie, mais bien dans l’achronie*.
Ces formes érigées çà et là, comme les vestiges antiques d’une autre planète, sont accompagnées d’autres contributions comme autant d’échos et de filiations. Avec le sculpteur Richard Deacon, ancien tuteur de Marion Verboom aux Beaux-Art de Paris, c’est un dialogue de textures qui s’instaure. De l’autre côté, on s’amuse de la nouvelle perspective que l’exposition donne à la sculpture du cubiste français Henri Laurens (1885-1954) et on constate à quel point les silhouettes de Marion Verboom sont dans ce sillage. Ces accointances persistent au regard d’autres œuvres adjacentes, celles des peintures minérales de Maude Maris (Archistorm 117, ndlr), des blocs primitivistes du duo touche–touche, des céramiques de Chloé Vernerey ou des créations du potier belge Tjok Dessauvage.
Cet assemblage composite et organique de matières en mutation est tissé d’un dernier lien, celui de l’écrivaine Amélie Lucas-Gary, qui déploie un récit dans la publication de l’exposition.
Texte : Camille Tallent
visuel à la une : Marion Verboom, Achronie 7,9,10 & 11
— retrouvez l’article Art & Architecture sur Marion Verboom dans Archistorm 119 daté mars – avril 2023 !
* Qui ne tient pas compte du temps, de la durée.