DOSSIER SPÉCIAL
MICRO-ARCHITECTURE
Au fond des bois comme au cœur des villes, la micro-architecture essaime un peu partout sur la planète. Une réinvention du bien-construire à l’aune de la nouvelle donne urbaine et écologique.
L’annonce a fait grand bruit ce printemps. Un cagibi parisien délabré de 3 m2 – sans fenêtre si ce n’est un méchant vasistas – était proposé à la vente par une agence immobilière pour la somme délirante de 50 000 €, présenté comme un « loft », « idéalement situé » sur l’île Saint-Louis ; cette offre ahurissante n’est qu’un symptôme supplémentaire de la pression immobilière qui touche des villes comme Paris, Londres, Lagos, Hong Kong ou New York. Autrefois moqués, les minuscules intérieurs tokyoïtes, où chaque mètre carré est valorisé, deviennent peu à peu la norme dans ces villes. La petite surface est devenue un marché à part entière, une voie qui peut sembler dangereuse tant elle semble valider les prix ahurissants du mètre carré dans les capitales.
Pourtant, à y regarder de plus près, les choses sont plus complexes et les architectes ne s’adaptent pas seulement au prix du mètre carré, mais aussi à la nouvelle sociologie des urbains. « La ville compte de moins en moins de familles… Les jeunes vivent chez leurs parents par manque d’offre de petits appartements à bas prix, un marché sur lequel s’alignent aussi les célibataires de plus en plus nombreux pour qui il manque clairement dans les capitales une offre suffisante », détaille Dominique Loreau, auteur de Vivre heureux dans un petit espace (Flammarion), qui vit au Japon depuis des années et a déjà commis un certain nombre d’ouvrages sur le « small is beautiful ». (…)
« Car avec l’omniprésence du web, nous nous délestons du matériel, privilégions l’expérience, la vie sociale à l’extérieur, la location à la possession… Le minimalisme est érigé en art de vivre et le détail compte désormais plus que la superficie, à plus forte raison au Japon. »
Bien sûr, certains poussent ce concept de micro-architecture urbaine à son paroxysme, à l’instar du projet Pao de l’architecte nippon Toyo Ito, développé au cours des années 80. Ces pièces souples se projettent dans un avenir qui s’organiserait à l’extérieur, la maison ne devenant qu’un nid évanescent. Utopique et visionnaire sur l’omniprésence des technologies, Pao est régulièrement « mis à jour » par de jeunes architectes qui s’en inspirent, comme le collectif all(zone) de Bangkok qui a déployé lors de la dernière biennale d’architecture de Chicago une micro-maison aux murs en rideaux destinés à être posés dans des parkings ou des immeubles abandonnés pour maximiser l’usage de la ville. (…)
Ces micro-habitats traduisent l’intelligence de l’homme, comme le démontre l’exposition « Habiter le campement » montée par Fiona Meadows, qui dirige le programme « Petites architectures » de la Cité de l’architecture et du patrimoine parisienne. « Je me suis d’abord intéressée à cette forme d’habitat pour l’ingéniosité qu’elle dégage ; les bidonvilles sont d’une intelligence de construction incroyable. Par ailleurs, il y a aujourd’hui en France 3,5 millions de mal-logés que l’architecture traditionnelle n’arrive pas à satisfaire. Dans ce contexte, l’habitat mobile transitoire peut constituer une réponse, sans pour autant devenir la norme. C’est ce que nous étudions dans notre projet MiniMaousse. » Ce concours ouvert aux étudiants vise à imaginer de petites maisons temporaires pour répondre au manque de HLM et au mal-logement, mais aussi pour remplir une fonction de loisirs. « Attention, je ne suis pas là pour glorifier ce mode de vie mais pour rendre hommage à l’intelligence de l’homme qui subit ces conditions de vie. La cabane est un objet qui associe le nomadisme choisi et celui subi dans les bidonvilles. Nous devons tirer parti de cette schizophrénie », explique Fiona Meadows. (…)
« La cabane représente un espace de liberté, toujours ouvert sur le flux, la vie parallèle »
Texte Marie Godfrain
Retrouvez la suite de ce dossier spécial dans le n°80 d’archiSTORM