Architecte de formation, Aude Masboungi ne concevait pas son métier sans aborder les sujets d’usages dans leur globalité. En créant La Belle Friche, il y a quelques années, elle souhaitait faire le lien et le liant entre les concepteurs et les usagers afin de garantir une ville plus humaine qu’elle nous raconte.

Aude, vous décrivez La Belle Friche comme une agence d’urbanisme participatif. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre activité ?

L’enjeu de notre activité est de lier la maîtrise d’œuvre, la maîtrise d’ouvrage, les décideurs et les usagers. Ce lien, nous essayons de le créer sur le long terme grâce à des diagnostics effectués avec les usagers, des micro-aménagements, des lieux transitoires, des ateliers, des réunions publiques… Nous incarnons ensuite les résultats de ces dispositifs dans des projets et décisions. Nous avons trois champs d’activité : l’urbanisme transitoire, la participation citoyenne et la programmation urbaine.

Quels sont les liens de La Belle Friche avec les architectes ?

Nous pouvons travailler avec les architectes de plusieurs manières et en plusieurs phases.

Nous pouvons intervenir en passage de relais lors de missions courtes pour une étude d’urbanisme transitoire ou une action de concertation. Nous transmettons alors nos résultats aux concepteurs.

Nous préférons toutefois les missions longues qui nous permettent de partager davantage avec les architectes. En travaillant main dans la main, nous améliorons la conception, l’enrichissons de nos regards réciproques.

Nous travaillons ensuite sur de l’information et de la pédagogie, sur la manière dont le temps de chantier peut être mieux vécu par les habitants et les riverains.

Enfin, une fois le projet livré, nous intervenons parfois sur une période d’activation de la programmation.

Atelier de coconception pour
la SAMOA à Nantes © La Belle Friche

Quelle serait votre architecture idéale ?

Il s’agit pour moi d’une architecture pensée par les usages et avec les populations, au pluriel. Dans des habitats participatifs, à titre d’exemple, il peut y avoir une base de propositions puis des adaptations en fonction des besoins et de la composition des familles. Cette question de la modularité est intéressante. Les sujets de réversibilité et d’évolutivité sont également essentiels car nos modes de vie changent constamment.

J’aime enfin lorsqu’un projet est abordé par une phase d’étude sur ce qui fonctionnait et ne fonctionnait plus pour conserver, en termes d’usages, ce qui était apprécié sur un site, initialement. Faire table rase n’est pas toujours la solution, parfois il est stratégique de ne pas toucher à certains éléments.

Existe-t-il une figure de l’architecture que vous aimeriez saluer à travers cette interview ?

J’aime beaucoup l’approche de l’architecte-urbaniste danois Jan Gehl. Il place l’humain au centre de la ville, en intégrant notamment la question de l’explosion démographique. Près de 60 % de la population mondiale devrait vivre en ville en 2050 donc comment met-on l’humain au centre de la ville en tenant compte de cette nouvelle échelle. Jan Gehl s’est évertué à traiter ce sujet en le liant à l’empreinte environnementale de la ville et au bien-être des citadins. Il a beaucoup œuvré à la piétonisation de Copenhague pour en faire une ville à la campagne, où il fait bon vivre.

Il s’agit d’un modèle car il pense la ville par les usages sur la base de diagnostics. Il fait en sorte que, les citadins, depuis le moment où ils sortent de chez eux le matin jusqu’au moment où ils rentrent le soir, puissent se rencontrer.  Je trouve que c’est un bel enjeu de l’urbanisme.

Visuel à la une : Place du marché, Le Vésinet © La Belle Friche
Texte : Annabelle Ledoux

— Retrouvez l’article dans archistorm 128 daté septembre – octobre 2024