L’architecte doit transcender les contraintes.
Ingénieur en chef des Ponts, il dirige l’Établissement public d’aménagement de Paris La Défense depuis septembre 2020, après avoir accompagné la décentralisation du quartier d’affaires en tant que directeur général adjoint des services du Département des Hauts-de-Seine, ou avoir été en charge des grandes opérations d’urbanisme de l’État au sein du ministère de l’Écologie. Pierre-Yves Guice partage sa vision de l’architecture.

 

Quel est, selon vous, l’avenir architectural de La Défense ?
D’un point de vue architectural, la question est bien sûr d’abord celle de l’avenir des immeubles de grande hauteur. Nous avons un parc sans équivalent en Europe, avec une grande variété de générations, modes de conceptions, tailles de tours. Tout n’est pas systématiquement à revoir, mais des interrogations fondamentales demeurent sur ce que nous faisons de l’existant et sur ce que nous ferons à l’avenir.

Il y a encore des tours en cours de construction, qui ont su tirer les enseignements des crises et tensions récentes pour mieux correspondre aux attentes des utilisateurs. Le sujet premier demeure cependant la rénovation des tours existantes et plus encore, le changement en profondeur de leur usage. Avec ceci s’ajoute la question de la forme, de l’image et de l’esprit que nous voulons donner à nos villes.

Nous avons lancé l’appel à projets Empreintes dans une logique d’invention de nouvelles manières de construire dans l’environnement de La Défense. Les réponses ont été diversifiées et laissent entrevoir ce que pourrait être l’avenir de notre territoire. 

Quel est le rôle de l’architecte dans la Cité ?
À ce jour, nous lisons surtout la somme des contraintes dans les propositions architecturales. Cela amène à des immeubles qui ont tous à peu près la même allure. L’architecte doit transcender ces contraintes et les contingences du quotidien pour un avenir moins uniforme et plus inventif.

À titre personnel, les œuvres architecturales dont je me souviens le plus, ce sont des objets dans lesquels l’architecte a su appliquer un programme mais aussi créer un espace. L’intérêt de la Grande Arche n’est pas sa façade mais le fait que le bâtiment soit avant tout un parvis et un trou. Elle crée un repère visuel et une nouvelle manière de pratiquer l’espace.

© Sabrina Budon

Quelle serait votre architecture idéale ?
Je pense à la Gare de Limoges ou à l’École d’Arts de Glasgow de Mackintosh. Ces deux bâtiments ont en commun d’être des œuvres « totales » dans lesquelles un parti pris architectural original a été marié à une histoire et une tradition artistique locale et poussé dans toutes les échelles, de l’urbain au bâti puis aux mobiliers et aux ornementations. Il s’agit à mon sens de témoins de la valeur transformative qu’un architecte peut avoir sur un environnement, en créant à partir de rien un sens et un patrimoine qui se transmettent entre générations.

Je retrouve un peu ce principe, à La Défense, dans la chapelle imaginée par Franck Hammoutène. Ce bâtiment est architecturalement cohérent avec les formes du quartier d’affaires mais il s’agit, pour autant, d’une expression personnelle, déclinée jusqu’au mobilier et aux œuvres d’art. Dans une échelle qui dénote avec les grandes hauteurs de La Défense, ce bâtiment détient une valeur patrimoniale majeure. Il crée un usage, une histoire, une expérience, un espace.

Existe-t-il une figure de l’architecture que vous aimeriez saluer à travers cette interview ?
Je saluerais le travail de Christian de Portzamparc pour ses interventions à La Défense mais aussi son château d’eau en forme de tour de Babel à Noisiel, car cette architecture m’a beaucoup interpellé un peu plus jeune.

À La Défense, il a notamment conçu Paris La Défense Arena, bel exemple d–expression architecturale qui a su suivre un programme et des contraintes, tout en restant extrêmement libre avec sa peau en écaille, cette forme organique, qui en font désormais un véritable objet patrimonial auquel on peut s’identifier.

Interview : Annabelle Ledoux
Visuel à la une : © Anne-Claude Barbier

— Retrouvez l’article dans archistorm 127 daté juillet – août 2024