1^er prix FRESH Architectures

D’aucuns, à l’évocation du nom de Versailles, imaginent un château et ses jardins. S’il est question d’architecture et d’urbanisme, l’esprit échafaude aussitôt un carcan normatif assurant la préservation d’un environnement bâti exceptionnel. Pourtant, ici et là, quelques opérations récentes complètent un patrimoine royal.

Fresh Architectures a, dans ce contexte, développé un ensemble de 58 logements dans le quartier de Montreuil, au nord-est de la ville. « En prenant en compte le caractère historique du lieu, nous avons structuré notre proposition en articulation avec les volumes existants et, par-delà, nous avons imaginé l’interprétation sensible des matériaux de façades », résument Luca Battaglia et Ulisse Gnesda architectes associés et co-fondateurs, et Ramzi Lasram, directeur de projets de l’agence.

Il était en effet attendu que l’ensemble s’harmonise avec un paysage faubourien constitué de maisons et de petits immeubles : un bâti caractérisé par une architecture « de caractère » et une certaine forme de classicisme. L’opération a été divisée en cinq volumes distincts dont l’imbrication évoque un assemblage spontané et dont la géométrie variable réinterprète le toit à double pente. Ces cinq entités, emboîtées les unes dans les autres, jouent avec les limites de la parcelle mais aussi avec les hauteurs réglementaires afin d’assurer la meilleure insertion possible, en plus de créer un cœur d’îlot paysager.

Dans l’objectif d’intégrer parfaitement cette contribution contemporaine à la ville de Versailles, la matérialité a également été finement étudiée. « Le choix des matériaux et des couleurs a été pensé à partir des constructions avoisinantes. Différents matériaux sont présents aux alentours : de la pierre meulière et de la brique en façade, de l’ardoise et de la terre cuite en toiture. Les tons ocres sont par ailleurs très présents ainsi que des encadrements en plâtre blanc. « Conscients des qualités architecturales du quartier et respectueux de son histoire, nous avons proposé à travers notre projet une interprétation de ces éléments en transposant les teintes et les coloris », précisent-ils.

Fresh Architectures a dès lors jeté son dévolu sur une matière évidente : la terre cuite. Elle permet d’abord un habillage complet, de pied en cap, de cet ensemble. Elle assure aussi l’élégance d’une proposition qui vient en écho aux autres constructions du quartier.

« Briques et tuiles de terre cuite ont été mises en œuvre comme des éléments modernes en harmonie avec le patrimoine historique, assurant un véritable trait d’union entre le passé et le présent », explique Luca Battaglia. Ce choix est ainsi l’occasion de parfaire la complémentarité de l’opération avec les constructions voisines. Il autorise en effet un camaïeu de couleurs beige et ocre qui s’harmonise dans le paysage de la rue du Refuge. « Nous avons proposé une finition des façades principales en briques moulées main et des toitures en tuiles plates. Ce sont ces finitions proposées dans des teintes panachées que nous jugions adéquates », affirment les architectes. Ce travail essentiel sur la matière renforce la lecture unitaire de l’ensemble. Aussi, pour parfaire cette image, Fresh Architectures a tenu à ce que les tuiles plates respectent une superposition rendant leur partie visible – le pureau – sur 20 cm. De la sorte, le recouvrement est de 8 cm environ. L’intérieur des loggias, le retrait des fenêtres, les pignons des volumes à l’intérieur de la parcelle sont quant à eux proposés avec des finitions en cassettes métalliques en pose verticale. Les autres pignons, côté rue du Refuge, sont traités en briques.

L’agence, avec ce projet, poursuit l’exploration d’un matériau qu’elle affectionne et qu’elle magnifie dans une mise en œuvre déjà remarquée ; Fresh Architectures recevait en effet, en 2014, le Grand Prix du jury du Concours la Tuile Terre Cuite Architendance.

De plus, elle démontre combien ce matériau peut répondre à des considérations esthétiques actuelles tout en favorisant l’intégration d’une construction contemporaine à un environnement patrimonial.

© Juliette Alexandre

2^ème prix POST architectes

Le jour de son inauguration en 2009, EuraTechnologies est présenté comme le plus grand incubateur de start-up en Europe. Situé à Lille, il totalise 150 000 m² de locaux créés au sein d’un « château de l’industrie textile » : l’ancienne usine Le Blan-Lafont. Depuis presque quinze ans, 300 entreprises s’y sont installées réunissant 3 700 salariés. Fort de cet équipement, un quartier entier s’est développé et attire chercheurs et étudiants.

L’agence POST architectes a imaginé Student Factory Euratechnologies, un programme associant une résidence de 206 logements (T1 et T3), des espaces de coworking et une cafétéria.

Il est implanté à la lisière d’un écoquartier fortement végétalisé et d’un quartier plus minéral composé de maisons typiques de la région datant des années 1930.

« Notre intention était de décomposer la volumétrie de notre projet en plusieurs bâtiments pour qu’un jardin puisse se glisser entre eux afin de fabriquer un environnement paysager omniprésent », explique Yoann Devynck, architecte, co-fondateur avec Jean-Philip Lebecq et Vincent Lagache de l’agence POST architectes.

Divisée en quatre pavillons, l’opération adopte une disposition en étoiles. Elle présente aussi des hauteurs variables dont un R+5, qui répond à la réglementation sismique. Toutes ces entités sont reliées entre elles par des espaces vitrés en rez-de-chaussée dans l’intention de rendre le paysage omniprésent pour les voisins et pour les résidents.

Le caractère répétitif du programme a d’abord été affirmé par un traitement architectural unique. « Nous cherchions un matériau qui permettait d’avoir un rendu monolithique et modulaire et la tuile s’est avérée relever de l’évidence. Les façades ont été conçues pour être couvertes de tuiles à pureau plat. Seul un profilé métallique marque les planchers et se prolonge pour dessiner les rives des toitures et des terrasses basses », expliquent les architectes. Le choix de ce matériau est aussi lié à des considérations structurelles. La tuile s’est imposée comme un produit pertinent pour protéger l’ossature en bois.

« La teinte sombre retenue – un bleu fumé – est avant tout guidée par l’accroche subtile des ombres de la végétation environnante. Après quelques années de développement des arbres, cette couleur participera également à l’ambiance de sous-bois apaisant qu’assure l’écrin planté du parc de la résidence », soulignent-ils.

La mise en œuvre de cette vêture demeure traditionnelle. Les tuiles sont posées sur une ossature de latte fixée sur une façade ossature bois porteuse ou sur un voile béton avec isolation par l’extérieur. Des modules spécifiques d’angle ont été utilisés pour assurer la continuité du parement entre deux façades, les tuiles de type membron ont été utilisées pour le démarrage et la fin du calepinage ; le pureau de tuile est de 100 mm.

Des détails qui viennent parachever un ensemble élégant, harmonieux et cohérent.

Texte : Jean-Philippe Hugron
Visuel : © Jean-Pierre Duplan

— Retrouvez l’intégralité du dossier dans le numéro spécial Terre d’architecture, Architecture et Terre Cuite, Grand Prix la Tuile Terre Cuite, Architendance 2022.