ORA

LECLERCQ ASSOCIÉS + KAUFMAN & BROAD

 

Avant-dernier chapitre d’une importante requalification urbaine en cours à la porte Pouchet, l’ensemble de bureaux ORA permet dès à présent d’envisager le nouvel écosystème qui se met en place dans cette zone en mutation. Il n’est pas nécessaire de remonter loin dans le temps pour se rendre compte à quel point ce quartier, situé entre la petite ceinture et le boulevard périphérique, a changé. Il y a moins de dix ans, la tour Bois-le-Prête n’avait pas été admirablement augmentée par Lacaton et Vassal, et la tour et la barre Borel subissaient comme tous les immeubles d’habitation accolés au périphérique, le sort des logements de relégation : proches de Paris, ils étaient trop exposés au bruit et à la pollution du boulevard, surélevé sur ce tronçon, pour garder les habitants qui pouvaient se loger ailleurs.

Aujourd’hui le périphérique n’a pas véritablement changé. La vitesse y a certes été réduite de 10km/h mais le flux incessant persiste et qualifie l’ensemble du secteur. Ce qui a changé, c’est l’attitude des occupants des nouveaux immeubles qu’il longe. Le bâtiment ORA pourrait incarner à lui seul ce changement. Situé à l’emplacement de la tour et de la barre partiellement démolie, il traduit par sa façon de répondre à la brutalité du boulevard, un véritable basculement.

Là où la tour et la barre ne pouvaient percevoir la proximité que comme une fatalité qu’il fallait patiemment subir, ORA semble aller à la rencontre des flux incessants qui le cernent.

La première chose que l’on remarque une fois dans le bâtiment est que le périphérique a été traité comme un environnement digne d’intérêt. Un paysage urbain dynamique et non plus une nuisance contre laquelle on essaye de se barricader. Tous les angles possibles et imaginables pour s’ouvrir sur le boulevard ont été mis à contribution. Comme l’édifice se trouve dans un virage, il a été possible d’aménager trois types de vues : lointaine et surplombante à l’ouest, proche quasi vertigineuse tout le long du bâtiment, et à nouveau lointaine et en surplomb à l’est. Le périphérique est partout. La partie du bâtiment qu’il longe fait le choix de s’y livrer entièrement, avec des effets de proximité surprenants.

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Les trumeaux varient selon l’angle de perception©Takuji Shimmura

Cette ouverture sur la voirie est loin de résumer à elle seule l’organisation de l’édifice. ORA remplace une barre et une tour par un îlot, qui se prolonge sur un de ses cotés. Des six côtés qui délimitent la parcelle, trois sont des rues. Les trois autres sont le périphérique, une servitude, sorte d’allée piétonne qui dessert une caserne de pompiers et qui le sépare d’un terrain de sport, ainsi qu’une école juive, mitoyenne et quasi invisible, pour des raisons de sécurité.

Sur ce point, le plan du bâtiment est caractéristique de l’abandon de l’urbanisme fonctionnaliste de la seconde moitié du XXe siècle pour renouer avec les densités et les volumétries des îlots de la ville du XIXe siècle. Malgré sa modernité cristalline, ORA est haussmannien.

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L’immeuble donne sur une cour intérieure spacieuse©Takuji Shimmura

Le cœur de cet îlot reconstitué est ouvert sur deux cotés ; vers la rue Borel et vers l’allée des Cerisiers et le terrain de sport. Il est traversé d’un axe est/ouest, aujourd’hui impraticable, à cause de l’état de la servitude mitoyenne. Si l’arrivée des premiers occupants s’accompagne aujourd’hui de grilles métallisées qui transforment l’îlot traversant en patio fermé, la proposition architecturale dit autre chose : l’importance des ouvertures laisse à penser que l’aménagement de l’axe traversant en patio fermé pourrait être réversible.

Côté rue, il est ouvert sur toute la longueur du rez-de-chaussée, et côté terrain de sport, un large escalier permet, théoriquement, de rejoindre l’allée actuellement délaissée. Dans un premier temps l’immeuble va s’accommoder d’un aménagement qui reconstitue dans le patio une atmosphère de petite place, avec la possibilité d’y sortir les tables du restaurant d’entreprise. Plus tard, peut-être qu’une ouverture effective transformera cette cour assez grande pour contenir un petit jardin, en rue intérieure traversante.

Texte : Christophe Catsaros
Visuel à la une : La façade animée de l’immeuble ©Takuji Shimmura