Arte : un mot, quatre lettres et une sonorité créative. Derrière cet acronyme se cache les piliers fondamentaux de l’agence Arte Charpentier : l’architecture, la recherche, la technique et l’environnement. Ensemble, ces notions incarnent la vision novatrice et globale instaurée par son fondateur Jean-Marie Charpentier, depuis ses débuts.
Dans leur bureau parisien installé dans le quartier du Sentier – une partie de l’équipe nous plonge dans l’univers d’Arte Charpentier. Près de 55 ans de projets urbains et architecturaux à travers le monde, où repenser la ville de demain est le fil conducteur.
Une agence transversale
Le domaine du bâtiment est complexe. Souvent réduit à tort au seul métier d’architecte, il englobe pourtant une multitude d’acteurs. Jean-Marie Charpentier comprend rapidement que la construction d’un bâtiment est également la construction d’une partie de la ville, intégrant les notions culturelles, sociales et environnementales.
Fondant l’agence Arte Charpentier en 1969, il souhaite dès lors rassembler chaque métier de la ville pour partager leurs expertises et mener à bien tous les aspects d’un projet. Aux côtés d’architectes, des urbanistes vont rejoindre l’agence au fil des années, puis des paysagistes et des architectes d’intérieur. Aujourd’hui Arte Charpentier compte plus de 120 employés aux savoir-faire complémentaires, réunis pour répondre aux besoins des projets. 20 associés travaillent main dans la main afin de construire une pensée commune.
Arte Charpentier c’est aussi plus de 17 nationalités qui enrichissent sa vision transversale. « L’international et la rencontre des cultures sont dans l’ADN de l’agence. Cette dernière s’est construite sur cette diversité, offrant des solutions iconoclastes et inattendues » explique Abbès Tahir, architecte associé.
Depuis plus de 30 ans, Arte Charpentier dépasse les frontières françaises et européennes pour déployer ses expertises et tisser de nouveaux liens. Au-delà des barrières linguistiques, culturelles et politiques, chaque territoire partage une vision commune : construire un monde meilleur et préparer un avenir plus durable. L’agence a été pionnière dans cette ouverture vers l’international, notamment en Asie, et en particulier à Wuhan et Shanghaï. Dès les années 1980, elle est missionnée pour des projets de logements et de réhabilitation urbaine. Une antenne de l’agence est implantée à Shanghai depuis les années 80, ce qui a nécessité une véritable collaboration avec nos partenaires locaux.
« Ces partenaires, en Chine, en Afrique et ailleurs, sont nos ambassadeurs sur place, avec lesquels nous devons construire des ponts culturels. C’est grâce à eux et avec eux que nous pouvons mieux comprendre les contextes, les défis et les besoins réels, afin de proposer en retour des solutions adaptées. Cette proximité avec nos partenaires locaux nous permet d’établir une relation de confiance et de travailler de manière plus efficace pour répondre aux exigences spécifiques de chaque projet » explique Nahla Jajo-Legrand, architecte et directrice régionale Afrique & Moyen-Orient. C’est un travail collectif où chaque corps de métier apporte ses compétences pour bâtir un projet représentatif de l’environnement dans lequel il se situe.
C’est dans cette approche globale, dans ses différentes expertises et cultures complémentaires, que l’agence tire toute sa force. « Arte Charpentier est une agence d’architecture au sens large. C’est une équipe qui conçoit et jamais une personne. C’est cette somme d’intelligence qui contribue à la réalisation d’un projet » souligne Abbès Tahir.
Les défis pour repenser la ville
À la question des défis auxquels le domaine du bâtiment doit faire face, les trois Artésiens s’accordent sur le sujet climatique. « Le secteur de la construction est responsable à lui seul de 30% des émissions de gaz à effet de serre, et les enjeux ambitieux du zéro carbone en 2050 exigent une révision profonde de nos méthodes de construction chez Arte depuis les années 2000 », concède Abbès Tahir. En 2009, l’agence livre la Tour Elithis, premier bâtiment à énergie positive de Dijon, puis en 2023 la Tour mixte NTEA Arsenal qui répond à une volonté d’habiter la ville différemment en préservant au mieux l’énergie primaire. Le dernier projet livré en 2023, le centre international R&I Danone sur le plateau de Saclay, s’est davantage focalisé sur la réduction de l’empreinte carbone, avec une structure hybride bois/béton et un choix de matériaux bio sourcés au cycle de vie optimisé.
C’est une réalité. Tout le secteur du bâtiment et la pensée urbaine doivent désormais revoir leurs pratiques. Un des projets en cours de l’agence, une zone commerciale à Lille, s’inscrit dans une démarche de mutation d’une zone monospécifique vers la constitution d’un quartier qui redonne sa place au vivant et à la nature en ville. « Nous devons interroger la ville et la construction pour les réinventer et pour aller vers des projets plus vertueux », expliquent-ils.
Cette évolution des pratiques, Arte Charpentier la doit principalement à l’un de ses quatre piliers : la recherche. « Pour répondre aux enjeux actuels, il faut innover, transformer nos approches » affirme Nathalie Leroy, paysagiste, associée, directrice du pôle Territoire. Des projets français aux projets chinois, chacun est une source de recherches pour répondre à des problématiques spécifiques, allant de la biodiversité à la construction bas carbone.
Dans le contexte d’urgence écologique actuel, la recherche élargit le champ d’action au-delà des questions énergétiques et des matériaux employés, se penchant notamment sur la biodiversité. Du territoire aux bâtiments, elle agit de manière transversale, à la fois sur l’environnement et le mieux-être des habitants. Cette dimension sociale est au cœur des projets de l’agence, nourrie par les concertations, l’écoute attentive des réels besoins des résidents, mais aussi dans les échanges au sein même de l’agence. « La notion de bien-être est essentielle dans nos projets, et pour diffuser du bien-être, nous devons nous-mêmes être dans le bien-être« , souligne Abbès Tahir. « Arte Charpentier s’est toujours attachée à développer des outils innovants, ceux-ci ont favorisé de manière indirecte notre force managériale permettant ainsi d’améliorer le bien-être des collaborateurs de l’agence ».
Ces différentes interactions se traduisent par des solutions concrètes, explorées puis entérinées à travers des publications. Parmi elles, le livret « Bâtir pour le Bien-être » propose 5 concepts à mettre en œuvre dans les logements. Parmi eux, le « hall inclusif ». Face à la nouvelle réglementation sur le stationnement des vélos et la diminution constante des espaces de halls, le concept vise à porter attention à l’humain. L’objectif est alors de mutualiser les fonctions et créer un lieu hybride favorisant l’échange et la rencontre autour d’un lieu unique qui intègre les fonctions de boîtes aux lettres, vélos, hall d’entrée, salon-vestibule. Ce sont de simples actions qui pourtant alimentent à nouveau le lien social, menant vers un bien-être global.
Pour Arte Charpentier, ces défis sont le moteur de sa mission principale : repenser la ville. Il s’agit de faire évoluer la ville dense pour y intégrer une expansion de la biodiversité, dans l’espace public mais également sur les bâtiments, au travers des terrasses et toitures qui doivent muter vers des espaces accessibles végétalisés. Il s’agit également de repenser les périphéries, ces villes développées en zones monofonctionnelles qu’il faut transformer pour créer la ville mixte, propre à offrir les aménités du quotidien, sans dépendre de la voiture, explique Nathalie Leroy. Cette transformation de la ville s’appuie sur 4 points essentiels : s’inscrire dans une démarche environnementale vertueuse et développer la biodiversité ; créer du bien-être au profit des humains, habitants des villes ; faire la ville dans le dialogue et l’écoute active, propre à apporter des réponses socialement viables ; dessiner la ville marchable afin de favoriser les modes de vie actifs, pour la santé de tous.
Plus qu’une ambition environnementale, il s’agit avant tout de replacer l’humain au centre de nos préoccupations afin de transformer nos villes vers un modèle frugal, économe et écologique.
Texte : Louise Conesa
Photos : Juan Jerez
— retrouvez l’article dans Archistorm 126 daté mai – juin 2024