Au temps de la ville du quart d’heure

Que le discours politique soit fait de slogans, que des chercheurs, philosophes et autres intellectuels dissertent sur l’opportunité de favoriser la ville du quart d’heure, quelques acteurs économiques se saisissent du sujet, notamment la grande distribution et les foncières immobilières qui ont compris l’enjeu d’un concept, notamment pour repenser des espaces périurbains monofonctionnels, hier en marge de la ville, aujourd’hui dévorés par l’expansion urbaine. L’avènement de friches tertiaires au cœur de certaines agglomérations pose aussi la question de leur transformation.

Le développement en région parisienne de nouveaux hubs de transports à la faveur de la création du Grand Paris Express invite également à penser de nouveaux ensembles urbains : la place du Grand Ouest, à Massy est, en ce sens, l’un des premiers exemples de quartier porté par un seul promoteur – une nouvelle fois, Altarea – garantissant au sortir d’un des plus grands nœuds ferroviaires de la région parisienne – Transilien, RER et TGV s’y croisent – une mixité de fonctions : hôtel, cinéma, commerces, logements, bureaux et centre de congrès.

À Issy-les-Moulineaux, la transformation d’une friche tertiaire en quartier de vie répond d’un désir de contribuer à la réflexion sur la ville de quart d’heure par l’expérimentation.

« Nous avons développé ce projet en répondant largement aux attentes exprimées par les Isséens, fréquemment consultés au cours des « conversations citoyennes » en 2013. Lors de la consultation menée par la Caisse des dépôts et consignations, la Ville et notre aménageur, la SPL Seine Ouest Aménagement, Altarea a fait la différence en développant une proposition de quartier ouvert, piéton, végétalisé, avec des commerces donnant sur un parc, et l’assurance d’une gestion des commerces par leurs propres soins. Nous avons consulté les copropriétés voisines et créé des comités de riverains, car nous sommes attachés à la concertation en amont des projets que nous lançons. Nous tenons aussi à ce qu’elle se poursuive tout le long du chantier, ce qui a, par exemple, permis d’élargir la piétonnisation aux rues adjacentes. »
André Santini, ancien ministre, maire d’Issy-les-Moulineaux, vice-président de la Métropole du Grand Paris

Promenade en forêt urbaine

Forêt urbaine ? Le thème s’invite dans de récentes campagnes municipales ; candidates et candidats on fait la promesse, au détour de joutes électorales en 2021, de créer des espaces verts d’un genre nouveau.

Pour l’opération Issy Coeur de Ville, l’ambition est encore plus affirmée ; Marc Littot, paysagiste, fondateur de l’agence Raphia, a imaginé créer une « vallée boisée ». Grand Prix du paysage 2008 avec le parc Jacob-Kaplan à Lyon, il envisage l’arbre en ville comme « un formidable outil de lutte contre le changement climatique puisqu’il permet à la fois d’atténuer l’impact du volume d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de réduire l’effet de l’îlot de chaleur urbain, voire de créer un îlot de fraîcheur urbain ». À Issy-les-Moulineaux, les plans prévoient la plantation de cent quarante-quatre arbres de grande taille, entre 5 et 9 mètres de haut : des charmes, des merisiers, des érables champêtres, des tilleuls, des cerisiers, des sorbiers et des pins sylvestres, tous originaires du bassin parisien. Ces sujets devraient, selon les espèces, croître pour atteindre 15 à 25 mètres de haut. Cent-cinquante arbustes viennent compléter la proposition et créer un étage de sous-bois sur une surface totale de 13 000 m², dont 4 000 m² de pleine terre.

« Le quartier d’Issy Coeur de Ville, que nous avons développé en collaboration avec la Ville d’Issy-les-Moulineaux et l’architecte Denis Valode, incarne pour moi un nouveau modèle de vie en ville. Les convictions que nous avions en 2016, lorsque nous avons lancé le projet, se révèlent aujourd’hui plus que jamais en phase avec les besoins des villes et les attentes des citadins. Issy Coeur de Ville est tout d’abord un véritable concentré de ville, dans lequel on trouve pas moins de douze types de produits immobiliers sur un peu plus de 100 000 m². Plus de 600 logements, trois immeubles de bureaux, une trentaine de commerces et restaurants, un cinéma de sept salles, un tiers-lieu, une école, une crèche, une salle polyvalente, une résidence seniors… Tous les usages urbains sont présents pour offrir aux Isséens un quartier mixte, emblématique de ce que l’on a désormais coutume de nommer « la ville du quart d’heure ». »
Alain Taravella, directeur général d’Altarea Cogedim

Issy Cœur de Ville : d’architecture en paysage

Mettre en œuvre un projet dont l’ambition est de servir l’idée d’une ville du quart d’heure n’est pas sans poser difficulté. Alors qu’il s’agissait sur une parcelle jusqu’alors occupée par un imposant et austère immeuble de bureaux hérité des années 1940 de concevoir une opération immobilière associant logements, bureaux et équipements, l’agence Valode & Pistre Architectes a pris le parti de complexifier la tâche en y ajoutant une forêt urbaine.

La densité, d’un projet à l’autre, a été jugée vertueuse ; elle permet la mixité programmatique, le rapprochement des individus, la réduction des déplacements, en plus d’éviter l’étalement urbain et l’artificialisation des terres. Toutefois il s’agit de savoir créer une urbanité à même de favoriser bien-être et convivialité.

Issy Coeur de Ville a été conçu par l’agence Valode & Pistre Architectes comme un laboratoire urbain au diapason des ambitions fixées par Altarea et la commune d’Issy-les-Moulineaux. En ce sens, l’ensemble qui a été imaginé se montre en avance sur la future réglementation RE2020 en plus de participer à l’expérimentation nationale E+C du Gouvernement. Les cycles de vie avancés y sont finement étudiés notamment au sein des différents immeubles de bureaux. Cet objectif appelle, à terme, le partage des informations et des conclusions dans le cadre de la communauté d’expérimentation E+C- Île-de-France.

« Pour beaucoup, il s’agissait d’ériger un centre commercial qui ferait office de socle à une opération mêlant logements et bureaux. Nous avons, quant à nous, préféré développer une stratégie résolument différente, puisque notre dessin est pensé autour d’un espace planté de 13 000 m². Nous y avons vu le moyen de créer la première forêt urbaine en Île-de-France. Ce terme nous tient d’autant plus à coeur que nous avons pensé cette végétalisation à l’image d’un bosquet sauvage. »
Denis Valode, architecte, associé de Valode & Pistre Architectes

croquis

Une gestion innovante de l’énergie à l’échelle du quartier

La performance énergétique est l’un des axes majeurs de l’opération Issy Coeur de Ville. Pensée sous le prisme du développement durable, elle profite d’un réseau énergétique couvert à plus de 70 % par des énergies renouvelables. L’ensemble du quartier est en effet alimenté en chauffage, en froid et en eau chaude sanitaire – notamment pour ce qui concerne les logements – par un réseau énergétique privé alimenté par la géothermie.

Côté bureaux, l’architecture répond à la fois à des principes des Bâtiments à Énergie Positive mais aussi d’une conception bioclimatique favorisée, entre autres, par l’optimisation des ouvertures de façade ou la mise en œuvre d’isolation thermique extérieure. Ces ambitions font appel à d’autres dispositifs ingénieux. Parmi eux, des ascenseurs performants à récupération d’énergie ou encore des panneaux solaires installés en toiture des bâtiments de bureaux.

Un quartier mix, attractif et vivant

Issy-Cœur-de-Ville a été conçu pour être un quartier animé du matin au soir, en semaine comme le week-end. Pour ce faire la ville autant qu’Altarea avait, pour mot d’ordre, la mixité. Celle-ci a été pensée pour être la plus large possible. Elle est, de fait, aussi bien sociale, générationnelle que fonctionnelle. Pour y parvenir, Issy-Cœur-de-Ville mêle bureaux et logements, équipements publics, cinéma, restaurants et commerces, logements sociaux et appartements en accession, immeubles de très grand standing et résidence séniors, espaces associatifs et tiers-lieu innovant.

A elle seule, cette opération propose six-cent-sept logements, dont 25 % sont à vocation sociale, et quatre-vingt-trois appartements en résidence seniors, un groupe scolaire de dix classes et une crèche de soixante berceaux, trente commerces, dont huit restaurants bordés de terrasses, et un cinéma UGC de sept salles. Ce dernier avec l’ensemble des locaux d’activités, le NIDA et les équipements publics génèrent plus de mille-deux-cents emplois.

Issy-Cœur-de-Ville est par conséquent un quartier pour tous. Résidents, salariés, riverains et visiteurs peuvent s’y retrouver à toute heure de la journée, pour se divertir, se restaurer, faire des courses ou flâner. La transformation d’un ancien site industriel en un quartier aux multiples usages dynamise plus encore le centre-ville d’Issy-les-Moulineaux et participe à l’essor de l’économie locale.

Co-concevoir

Dès la phase de conception, Altarea a souhaité faire de ce lieu un quartier unique au service de ses usagers. Et pour cela, une démarche de conception participative a été engagée afin de partir des attentes des Isséens et de propositions d’acteurs innovants pour co-construire le projet avec eux.

Ainsi, une consultation digitale a été lancée auprès des riverains pour connaître leurs attentes en termes de services et de commerces. Plus de 500 Isséens du quartier ont participé et ont plébiscité une solution d’entraide entre voisins ou des boîtes à colis connectées pour s’échanger des biens, items qui ont été retenus et déployés sur le quartier.

En complément, un appel à projets dénommé « Issy Open Design » a été lancé en 2020 pour sélectionner des acteurs associatifs ou des jeunes entreprises innovantes qui intégreront la programmation expérientielle du NIDA, contraction de « Nid d’idées d’avenir », le tiers-lieu d’Issy Cœur de Ville imaginé et développé par Altarea. Avec plusieurs centaines de réponses, cet appel à projets fut un succès et a permis de sélectionner dix lauréats qui sont venus également élargir la réflexion pour la conception et la définition du concept de ce futur tiers-lieu.

Ces deux initiatives ont permis de générer un véritable réservoir d’idées venues de l’extérieur et ont alimenté Altarea dans la conception du futur écoquartier.

En combinant le meilleur de chaque partenaire, Altarea apporte des usages innovants avec un même objectif : proposer un mode de vie qui associe bien-être en ville, services, culture et sobriété environnementale.

Sélectionner le meilleur de chaque monde pour proposer aux futurs usagers une nouvelle expérience urbaine, a donné naissance au bouquet de services Easy Village. A destination des riverains et des résidents du quartier, son but est de favoriser leur bien-être en ville et le mieux-vivre ensemble. Avec Easy Village, les habitants ont accès à quatre services innovants proposés chacun par l’un de nos partenaires. Des centaines de personnes qui ne se connaissent pas mais qui ont fait le choix de vivre au même endroit sont connectées via un réseau social de quartier.

Fiche technique

Maître d’ouvrage : ALTAREA COGEDIM
Maîtrise d’œuvre : Valode et Pistre Architectes
Equipe de Maîtrise d’œuvre : Builders & Partners (Maîtrise d’œuvre d’exécution), Raphia (Paysagiste), SETEC (Structure et Fluides), EGIS (Fluides), CEEF (Façades), CEE (Economiste), Avel (Acousticien), Concepto (Eclairagiste), Terao (Conseil environnemental), Bureau Veritas (Bureau de Contrôle)
Entreprise Générale : Bouygues Construction
Réseaux de chaud et de froid, Géothermie : ENGIE Solutions
Surface : 105 000 m² sur un terrain de 3 ha
Labels et certifications :
Au niveau du quartier : Label BiodiverCity, WELL Community Standard
Bâtiments de bureaux : NF HQE Bâtiments tertiaires 2015 « Passeport exceptionnel », BREEAM niveau Excellent référentiel 2016, WELL « Core and Shell » niveau Silver, Label BiodiverCity niveau ABCC, Label BEPOS Effinergie 2013
Commerces : BREEAM « Shell and Core » niveau Excellent référentiel 2016 Logements : NF Habitat HQE
Calendrier : Concours 2016 ; 1ere pierre 11 juin 2019
Livraison : Septembre 2022

Texte : Jean-Philippe Hugron
Photos : Juan Jerez, Jared Chulski