RÉALISATION

MAISON DE LA CULTURE, BOURGES
IVARS & BALLET

LA NOUVELLE MAISON DE LA CULTURE DE BOURGES

Une pièce en cinq actes, avec prologue et épilogue.

« Depuis le concours en 2013, le chantier entamé en 2018, certains aspects du projet ont pu évoluer dans le sens positif, au bénéfice des utilisateurs. Nous avons pris plaisir à le pousser dans des directions qui n’étaient pas forcément tracées, et des éléments, naturels pour nous, ont été confortés par la confrontation des avis, par défis économiques mais aussi techniques. Le dialogue intense avec la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’usage a facilité l’adhésion au projet, qui a connu ses détracteurs, que nous espérons avoir convaincus par notre parti architectural à la fois sobre et discret. À la suite des débats publics, face à la crainte que le bâtiment n’entre pas suffisamment en dialogue avec le site, la réalisation confirme notre volonté de faire une architecture qui ne soit ni ostentatoire ni démonstrative. Nous avons la sensation que le lieu s’est naturellement ancré ici et le sentiment qu’il s’est déjà immiscé dans la mémoire de chacun. »
Jean-Christophe Ballet et Tarik Benia, architectes Ivars & Ballet

 

« Pour rayonner et prendre son envol, la Maison de la Culture, Notre Maison de la Culture à tous, doit être ouverte sur le monde contemporain, doit être l’épicentre d’un frémissement, d’un tremblement même, d’une normalité culturelle, festive, sociale, conviviale, familiale, chaleureuse, retrouvée et espérée depuis de longs mois. Théâtres, expositions, chants, danses, ballets, humour et variété, opéra, concerts, découvertes ou créations, classiques, contemporains ou avant-gardistes, cirques… tout est autorisé dans cet écrin qui ne peut pas laisser indifférents tous ceux qui arpenteront les différentes salles de spectacles. Avec elle, nous devons croire en la Culture Universelle, la Culture ouverte et accessible à tous les habitants du Cher, une Culture vivante, vibrante, aimante, passionnante, exubérante dont le Conseil départemental en sera un chef d’orchestre avec cette volonté encore et toujours de favoriser une présence artistique forte et régulière sur le territoire, permettant ainsi des rencontres entre les femmes et les hommes qui y vivent et le monde de la Culture… »
Jacques Fleury, président du conseil départemental du Cher

Prologue : histoire d’un palimpseste
Dans la famille des Maisons de la Culture, celle de Bourges est bien singulière. Tout d’abord elle incorpore un édifice construit dans l’entre-deux-guerres, en lieu et place de l’ancien palmarium, dont la construction est interrompue par la Seconde Guerre mondiale, laissant en plan une ruine neuve bien embarrassante. La salle des fêtes à usage polyvalent est parachevée au lendemain de la guerre. Donc, contrairement à celles du Havre ou d’Amiens, bâties de toutes pièces, le programme annoncé par André Malraux en 1959 (et qui puise dans un concept des années 1930) est ici contraint dans des murs existants. La façade, qualifiée de « stalinienne » par les Berruyers, a été conçue par l’architecte de la ville, Marcel Pinon. Elle est, de plus, incrustée de bas-reliefs de François Popineau et Louis Thébault. Elle n’est donc pas de la main de Pierre Sonrel éminent spécialiste des
salles de spectacle pour avoir rédigé un Traité de scénographique paru en 1943, ni de celle de Jean Duthilleul, co-concepteurs de l’équipement scénique. Ces derniers doivent faire entrer le programme culturel derrière ce “Potemkine”. Malgré cette contrainte, ils sont parvenus à concrétiser un programme complet avec deux salles de spectacle (916 et 350 places), des cinémas, une bibliothèque et de nombreux espaces de convivialité, avec une ouverture en 1963.

Avec le temps et l’évolution des usages et de la programmation, mais aussi du requis des normes de confort et de sécurité, une restructuration s’avère plus que nécessaire. Envisagée dès le début des années 2 000, elle vise un profond remaniement des lieux, en réduisant les jauges de salles et en tentant de pousser les murs pour gagner en espace. Excepté le fait que le corset existant n’autorisait que deux options : surélever l’édifice, que le périmètre donné par la cathédrale Saint Étienne empêchait, ou creuser, ce qui a été choisi pour trouver en infrastructure les volumes nécessaires. C’était oublier que Bourges est construite sur Avaricum, ancienne cité romaine. Et sous le théâtre se trouve en réalité l’hypocauste, système de chauffage des anciens thermes (l’ancêtre du plancher chauffant), découvert dans un état remarquable. Le chantier est interrompu et l’édifice est de nouveau une coque vide qui oblige l’équipe de la Maison de la Culture à développer un programme hors les murs dans plusieurs espaces de la ville : auditorium, théâtre Jacques Coeur et le Hublot. In fine, elle ne retrouvera pas ses murs, puisque, compte tenu des délais de fouilles et des surcoûts, la décision est prise de construire une nouvelle Maison de la Culture à proximité, au lieu de tenter en vain de rentrer aux forceps de nouveaux volumes dans l’écrin existant. Soixante ans après le lancement du projet malrucien, cette Maison sera la dernière. Comble du sort : de l’ancien édifice, seule demeure la façade, honnie par les habitants, car elle est protégée au motif des Monuments historiques. Son devenir est encore à ce jour en suspens…

 

Acte I : un temple ouvert en guise de maison
Une fois abandonné le vaisseau ancien aux allures de cathédrale moderne, il fallait trouver un site qui puisse accueillir les organes programmatiques de la Maison de la Culture. La municipalité décide de l’implanter en bordure de la place Séraucourt, à deux pas du centre-ville, non loin de son ancêtre, sur un terrain en pente. Un concours est lancé en 2013 et récolte une centaine de candidatures. Quatre équipes de maîtrise d’oeuvre sont retenues et c’est celle portée par l’agence tourangelle Ivars & Ballet architectes associés (Jean-Christophe Ballet architecte fondateur et Tarik Bénia architecte associé) qui remporte le projet avec une posture cohérente avec le programme et le site. Si l’ancienne Maison de la Culture présente une façade imposante, minérale, organisée verticalement, le parti retenu pour la nouvelle consiste en l’opposé : la discrétion, la transparence et une inscription horizontale alignée à la canopée de la frondaison du mail planté. De la place Séraucourt, seule est tangible la longue baie étirée qui donne à saisir les entités programmatiques en transparence. La toiture débordante marque l’attique de ce corps qui figure un temple dédié aux arts et à la culture, dont le naos serait les salles de spectacle. Toutefois, aucun emmarchement ne vient empêcher l’accès, place et hall sont de plain-pied, dans un continuum visuel qui favorise l’approche et l’entrée dans cet équipement réputé intimidant pour bon nombre de personnes.

Des verticales créent une rythmique que certains associeront à une colonnade, mais au lieu des fûts classiques, ce sont des panneaux qui réinterprètent les formes végétales voisines. Leur graphisme organique résulte d’une découpe numérique pour réaliser la transition visuelle entre nature et artefact, entre paysage et architecture. En outre, ces lames ajourées présentent une accroche identitaire à cette composition spatiale particulièrement sobre dans ses volumes, majoritairement vitrés. D’ailleurs, cet épiderme n’a de cesse de varier au gré des saisons, des moments de la journée, et dans sa face publique, elle superpose par reflets du mail planté, aux feuillages comme aux branchages que les architectes ont repris dans les scansions verticales, pour mieux dialoguer avec la place. (..)

 

« Le dialogue permanent, en amont du projet avec les programmistes, pendant le chantier avec les architectes et durant toute la durée – longue – de cette aventure, avec la municipalité, a permis de réaliser l’outil dont nous rêvions, sans avoir à réaliser des modifications ou des adaptations en entrant dans les murs. Après plusieurs saisons « hors les murs » et avec des locaux dispersés, je voulais d’une part que les équipes soient à nouveau réunies, en rassemblant l’administration, les techniciens et les artistes, autour du patio, afin de favoriser la communication entre les personnes. D’autre part, la Maison de la Culture étant avant tout un lieu de création, nous allons poursuivre l’accompagnement que nous assurons auprès d’artistes associés. »
Olivier Atlan, directeur de la Maison de la Culture de Bourges

Fiche Technique

MAÎTRISE D’OUVRAGE : Ville de Bourges
MAÎTRISE D’OEUVRE : Ivars & Ballet
STRUCTURE : 3 Ingénieurs Associés (3iA)
FLUIDES : ECR ECI
CFA/CFO : IDF Luynes (conception) – Ingesept Saint cyr-sur-Loire (suivi de travaux)
SCÉNOGRAPHIE : Architecture et technique
SIGNALÉTIQUE : Céline Denel studio
ÉCONOMISTE : Cabinet Mit
SSI : IPS
ACOUSTIQUE : SerdB groupe GAMBA
1% ARTISTIQUE : Olivier Leroi
OPC : Crescendo
ENTREPRISES (LISTE NON EXHAUSTIVE) : SOPREMA : Étanchéité, Bardage ; DENIOT INFRALBOIS : Menuiseries intérieures ;
EUROVIA : Terrassement, VRD, Espaces verts
SURFACE DE PLANCHER : 8 660 m²
BUDGET : 26,7 M€ HT (coût travaux)
LIVRAISON : juillet 2021

Texte Rafaël Magrou
Photos Sébastien Andréï et Yannick Pirot

Retrouvez la réalisation sur la Maison de la Culture de Bourges par Ivars & Ballet dans Archistorm 112 daté janvier février 2021