Pour la manufacture Hermès, Coldefy imagine une nouvelle maroquinerie, passive et bas carbone, installée dans les Ardennes.
L’agence internationale d’architecture et d’urbanisme Coldefy, implantée à Lille, Paris, Shanghai et Hong Kong, réalise des projets empreints d’une philosophie commune fondée sur les équilibres environnementaux, urbains et sociaux. L’agence met en œuvre des projets publics et privés de toutes échelles et couvre de nombreux domaines d’activité. Thomas Coldefy et Isabel Van Haute rejoignent en 2006 l’agence qu’ils codirigent aujourd’hui. Ils impulsent une dynamique conceptuelle où l’expérience sociale et sensorielle, la dynamique de groupe et l’activité individuelle influencent la forme architecturale, les programmes et les flux.
Revisiter l’archétype de l’atelier
La maroquinerie de la Sormonne, située dans le parc d’activités de Tournes-Cliron, s’inscrit avec discrétion au sein d’un paysage vallonné de bocages et de prairies et à proximité d’un village. L’intégration dans un parc de 8 ha de vallée arborée est favorisée par une architecture en horizontalité dont le dessin marqué par des sheds forme une nouvelle canopée dans la continuité de la topographie du village d’artisans. La plantation d’arbres au sein du bâtiment permet la continuité avec l’environnement naturel.
Le bâtiment d’une surface de 5 700 m² revêt un bardage en bois brûlé qui encadre de grandes façades vitrées. Cette transparence permet une immersion contemplative et ouvre des vues sur les terres agricoles et les éléments paysagers.
La structure en bois repose sur une dalle de plancher en béton. Les façades sont conçues avec des menuiseries en aluminium de teinte foncée et d’une vêture en bois brûlé, maintenues par une ossature en bois, pleine ou ajourée en claustra. Afin de conserver une cohérence visuelle d’ensemble, le revêtement de la toiture de bacs en acier noir conserve une teinte proche du bois brûlé.
Primauté du bien-être des occupants
Le défi de la réinterprétation du modèle typologique de l’atelier a guidé la conception du projet. L’édifice de plan carré traduit dans sa disposition de volumes simples la fonction du lieu. Depuis l’extérieur, la toiture en shed évoque l’univers industriel moderne. À l’intérieur, ces éléments offrent une luminosité optimale pour le travail de l’artisan. Mais la forme est revisitée dans l’application d’un toit à double pans, symbole de la maison. La charpente de bois en diagrid prolonge cette symbolique. Sur toute la longueur du bâtiment, de grands surplombs protègent les porches et les terrasses extérieures.
La trame constructive de l’espace d’atelier est redéfinie par un module proportionnel de 11,50 m, qui, démultiplié, permet de créer des sections régulières dessinant un espace simple ponctué de puits de lumière, orientés au nord. Un groupe de quatre ateliers de coupe structure l’espace découpé par cette trame structurelle. L’ensemble de la structure a été conçu dans un esprit de flexibilité. La taille et la proportion des ateliers sont facilement adaptables par la réorganisation des cloisons de séparation intérieures.
En écho à l’esprit de transmission des savoir-faire sur lequel repose le modèle artisanal d’Hermès, la succession des espaces de l’environnement de travail a été imaginée afin de favoriser le dialogue et le partage des connaissances dans une atmosphère propice au calme et à la concentration. Les ateliers ont été conçus en faveur du bien-être de ses occupants. Malgré des logiques imposées par le système de production,
l’atmosphère subtile proche de celle de l’univers domestique accueille les artisans dans un cadre qui revisite l’idée préconçue de bâtiment industriel.
Performances environnementales
La maroquinerie de la Sormonne répond à de hautes ambitions environnementales. Le choix d’une construction majoritairement en bois a été induit par la volonté de mettre en œuvre un bâti au bilan carbone efficace et celle d’avoir recours à une ressource renouvelable.
Le pin de Douglas d’origine locale est répandu et très employé dans les Ardennes. La technique appliquée du bois brûlé accroît la longévité et la résistance de
l’essence naturelle. Elle apporte également une esthétique particulière par des teintes allant du gris au noir profond avec reflets bleutés.
Tous deux engagés pour la préservation des écosystèmes, la manufacture Hermès et l’agence Coldefy ont travaillé en partenariat avec des experts climatologues. La prise en compte l’hydromorphie du site et l’analyse de la faune et de la flore locales ont permis de minimiser l’impact sur l’environnement de la construction. En addition aux nombreux arbres préservés, des essences locales ont été plantées afin de mettre en place un écosystème propice au développement de la biodiversité. Des noues et des fossés traitent l’eau de récupération par phytoépuration.
L’édifice conçu visant le Label E4C2, la construction a été optimisée par l’utilisation de matériaux peu carbonés, comme le bois. L’installation de 1 900 m² de panneaux photovoltaïques sur la toiture, la mise en place d’un système de chauffage et de climatisation assuré par la géothermie et d’une isolation en laine de roche à haute performance contribuent à la haute performance environnementale du bâtiment. Ainsi, le bâtiment à énergie positive produit plus d’énergie qu’il n’en consomme.
Texte : Cléa Calderoni
Visuel à la une : Photo © Gautier Deblonde
— retrouvez l’article sur Maroquinerie de la Sormonne, Cliron, Coldefy dans Archistorm 122 daté septembre – octobre 2023 !