Le Palais des Congrès de Royan est un chef-d’œuvre de la modernité des années 1950. L’audace de la solution structurelle adoptée, ses formes épurées, la distribution organique de ses volumes intérieurs qui modèlent la façade principale au sud face à l’océan, sa transparence, son immatérialité et sa polychromie affirmée, le propulsent aux premiers rangs d’une architecture moderne où fusionnent les principes corbuséens de plan et de façade libres, les formes géométriques primaires puristes et la fantaisie formelle inspirée de la modernité brésilienne.
Le point d’orgue de la reconstruction de Royan
En janvier et avril 1945, 6 600 tonnes de bombes sont déversées sur Royan : la ville est sinistrée à plus de 85 %. Claude Ferret, unique « Patron » de l’École Régionale d’Architecture de Bordeaux, est nommé architecte et urbaniste en chef de la station balnéaire. Formé entre les deux guerres dans la très conservatrice École des Beaux-Arts de Paris, il a pour premières intentions pour Royan celles d’une reconstruction ambitieuse teintée d’un classicisme dont témoigne encore aujourd’hui le boulevard Aristide Briand, la première opération lancée fin 1947.
Le Palais des Congrès offre une plus-value touristique, particulièrement pour les périodes hors saison, mais la ville peine à en définir le programme. Cette indécision pèse sur sa conception et sera à l’origine de son mésusage, la polyvalence devenant le palliatif à l’indécision et à l’impréparation du programme.
Cependant, Ferret a rapidement arrêté le parti architectural et le projet évolue peu jusqu’au permis de construire de septembre 1954. Le principe retenu est celui d’un parallélépipède entièrement évidé dont le toit-terrasse est suspendu à une série de onze consoles métalliques, comparables à des grues enrobées de béton et disposées tous les cinq mètres.
Désamour et redécouverte de la modernité
Le Palais ouvre trois ans avant le casino municipal que signent également Ferret, Marmouget et Courtois. Ils sont les écrins de la vie festive et mondaine de la station balnéaire qui, pendant treize ans, accueille un festival de musique et d’art contemporains de renommée internationale. Hélas, six mois seulement après son inauguration, le Palais des Congrès connaît ses premières altérations résultant de l’impréparation programmatique.
Trois décennies plus tard, l’Atelier Ferret Architectures et Chatillon Architectes remportent le concours organisé par la Mairie de Royan avec le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Leur proposition vise à réhabiliter le bâtiment « en effaçant les modifications incohérentes du maître d’ouvrage » et à reconstituer visuellement la façade originale à l’identique et dans le respect des normes réglementaires actuelles. Le Palais renoue avec la notion de « promenade architecturale », chère aux modernes des années 1920, qui permet au fil des déplacements d’offrir de multiples points de vue changeants sur les différents espaces intérieurs de l’édifice.
La polychromie a fait l’objet de recherches, de sondages stratigraphiques et de débats intenses pour retrouver la gamme des couleurs d’origine. L’édifice renoue avec cette débauche de couleurs propre à cette période d’après-guerre pleine d’espoirs et de joie de vivre retrouvée, celle de l’invention du rock and roll, du triomphe du Technicolor au cinéma, du boom des appareils électroménagers.
Pour la Ville de Royan, la restauration-rénovation du Palais des Congrès est une nouvelle étape majeure dans la reconquête de son patrimoine d’après-guerre qui la distingue de toutes les autres stations balnéaires françaises et européennes. Cette renaissance exceptionnelle engage ses gestionnaires à être particulièrement attentifs pour que l’usage qui en sera fait ne vienne à nouveau altérer les qualités exceptionnelles de ce chef-d’œuvre des années 1950. Comme dans les plus célèbres monuments historiques médiévaux, Renaissance ou classiques, la fonction doit désormais s’adapter à l’architecture et non l’inverse.
Extraits d’interview
Pierre Ferret et Venezia Ferret, architectes, Atelier Ferret Architectures
Intervenir sur l’œuvre d’un parent
Pierre Ferret : Dans les années 1950, c’était le premier Palais des Congrès de France, avec un programme qui restait à définir. Puisque le concours portait sur le même programme, notre démarche a simplement consisté à remettre le Palais des Congrès dans son état d’origine. Je ne le respecte pas uniquement parce qu’il s’agit de l’œuvre de mon père, mais surtout parce que je considère que c’est une architecture de haut niveau et, fait encourageant, je ne suis pas le seul à le penser.
Venezia Ferret : Le Palais des Congrès de Royan est l’œuvre de Claude Ferret. C’est une œuvre majeure du mouvement moderne, et pour ma génération, une véritable plongée dans les années 50. C’est avec beaucoup de respect et de minutie que nous lui avons redonner sa prestance d’autrefois. Une des grandes réussites fut d’avoir réussi à convaincre qu’il était indispensable de démolir le cube (ajouté à l’arrière par un autre architecte). Nous avons ainsi retrouvé un concept fort de l’œuvre d’origine : la transparence entre le Parc et la Mer.
Extraits d’interview
François Chatillon, architecte des Monuments historiques
La polychromie
Dans cette architecture, la polychromie est aussi très importante. Bien sûr, la spatialité est magnifique, la technique est très maligne avec la suspente du toit par en haut, la façade qui n’en est pas une où l’on ne sait plus à quel moment ça commence, à quel moment ça finit, c’est une conception assez géniale, et la couleur vient servir tout cela de façon subliminale. La colorimétrie, aspect décisif du chantier, a représenté un lourd travail d’archives, en complément des études stratigraphiques. On est vraiment dans une très grande architecture. On est à la hauteur des grands bâtiments de Le Corbusier qui joue sur les couleurs, je n’ai pas peur de le dire, même si ce n’étaient pas exactement les références de Claude Ferret.
Texte : Gilles Ragot
Visuel à la une : © Antoine Mercusot
— retrouvez l’intégralité de l’article sur Palais des Congrès, Royan, Atelier Ferret Architectures dans Archistorm 121 daté juillet – août 2023 !