Il n’y a là rien d’un diagramme ! Et fort heureusement. Alors qu’une génération d’architectes s’évertue à réduire ses projets à de schématiques intentions, associant en graphismes souvent bien sentis les fonctions sans autre préoccupation que de les additionner, Vincent Lavergne et Atelier WOA prennent le parti rare de créer cheminements et déambulations au sein d’une institution. Autrement écrit, ils conçoivent de douces transitions et ménagent des effets de surprise dans un immeuble qui n’est pourtant destiné qu’à recevoir des bureaux.
Peut-être l’ambition d’héberger l’Office National des Forêts invitait-elle à penser un parcours au même titre qu’un bois ombragé invite à la promenade ? Peut-être en allait-il aussi d’une intervention, qui, au sein d’un site remarquable, appelait le plus grand soin ? Enfin, l’enjeu du projet n’était-il pas de développer, à travers cette opération, l’environnement favorable à de nouvelles méthodes collaboratives de travail ?
Vincent Lavergne et Atelier WOA livrent à Maisons-Alfort, dans l’enceinte historique de l’École Vétérinaire, un projet riche et subtil, plus encore une démonstration quant à la mise en œuvre raisonnée d’essences de bois français. L’ONF a vu, dans cette architecture remarquable, le moyen de promouvoir, outre ses métiers, une filière aujourd’hui en plein essor.
« Dès l’origine, nous avons souhaité une construction écoresponsable qui puisse rassembler des métiers, des technologies, des existences autour du matériau bois. Nous avons également acquis la certitude que le projet serait respectueux de l’environnement. Issu principalement de forêts domaniales, le bois est présent aussi bien dans l’ossature du bâtiment que dans des charpentes. Il « vit » dans toutes ses dimensions et regorge d’atouts : isolation phonique, bien-être, piège à carbone, économies d’énergies… »
Olivier Rousset, directeur général par intérim de l’ONF
L’enjeu du projet
L’ONF, avant de décider son implantation à Maisons-Alfort, occupe son siège historique, la tour Saint-Mandé dans le 12e arrondissement de Paris et un autre immeuble, qu’elle loue, à Montreuil. Ce grand écart géographique n’est pas pour faciliter l’organisation et le fonctionnement de l’institution. En 2017, un conseil d’administration acte la création d’un nouvel édifice en vue de réunir toutes les équipes de l’ONF. La position stratégique de la tour Saint-Mandé et le dynamisme du marché parisien assurent l’assise financière de l’opération immobilière. La vente de l’immeuble permet de couvrir à la fois les coûts de construction et les coûts de maintenance du bâtiment sur les douze prochaines années.
La perspective de réunir les trois-cent-cinquante collaborateurs de l’ONF au sein d’une même construction est aussi perçue comme un enjeu promotionnel pour l’institution. L’architecture doit servir l’image de l’office et, plus avant, celle de la construction en bois. Mieux, les matériaux mis en œuvre doivent provenir des forêts gérées par l’ONF. Si les maîtres d’œuvre ont toute liberté dans le choix des essences, ils ont l’obligation de proposer et justifier l’usage d’essences variées. À travers ce projet, l’ambition est de valoriser les hautes performances structurelles, mécaniques, acoustiques et thermiques du bois en plus de sa résistance au feu et de ses qualités environnementales.
Une architecture entre rationalité, poésie et usages
Le nouveau siège de l’ONF répond, aux yeux des architectes, à des enjeux multiples : la transformation urbaine d’un site stratégique pour la commune de Maisons-Alfort, l’adaptation d’un immeuble de bureaux aux méthodes innovantes de travail, la prise en compte des défis écologiques contemporains par le recours à la construction en bois.
L’analyse du site – à l’origine de tout projet – a très tôt révélé de fortes potentialités en même temps qu’elle les a assorties de quelques anicroches. L’École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort est en effet un monde clos que des murs d’enceinte préservent des regards curieux. Créer en marge du vaste territoire qu’occupe cette institution historique un nouvel ensemble immobilier est l’occasion, à travers l’architecture, de développer des considérations urbaines, notamment d’ouverture sur la ville.
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Entretien avec Vincent Lavergne, architecte fondateur de l’agence Vincent Lavergne — Architecture et urbanisme
Quelle a été, en résumé, votre stratégie ?
Nous avons imaginé l’antithèse de la tour. Autrement dit, il s’agissait de concevoir un bâtiment organique dont l’organisation spatiale pouvait être assimilée à celle d’un petit village. En résumé, nos plans prennent le contre-pied de la verticalité des noyaux, de la répétition et du séquençage des étages. C’était, pour nos deux agences, un champ d’expérimentations particulièrement stimulant.
Le bois constituait-il une entrave pour atteindre cet objectif ?
Au contraire. Le bois permet de qualifier ce dispositif, et les espaces que nous avons réalisés n’ont été rendus possibles que par la mise en œuvre de ce matériau. Ce projet a été l’occasion de dérouler des innovations spatiales et techniques liées au bois. L’utilisation exclusive de bois français en structure est déjà en soi une innovation qui interroge la filière dans ses capacités de production de bois de construction.
Entretien avec Samuel Poutoux, architecte, associé fondateur de l’agence Atelier WOA
Le projet présente une forme singulière. Pourquoi ?
Cette géométrie pourrait en effet paraître complexe. Notre défi était de la rendre simple à construire autant qu’elle devait se révéler facile à vivre. Ce projet est le fruit d’un dessin inhabituel au regard de la construction en bois. Nos échanges avec les menuisiers et les charpentiers nous ont permis de préciser nos plans. Nous avons, par exemple, légèrement modifié la silhouette de l’ouvrage. Plutôt que de créer, au niveau des porte-à-faux successifs au-dessus de l’entrée, une pointe, nous avons privilégié un arrondi, plus doux d’un point de vue urbain.
S’agit-il, à vos yeux, d’un projet-manifeste ?
Ce projet devait être, pour son commanditaire, un démonstrateur. Il ambitionne, à lui seul, d’exposer les possibilités offertes par la construction en bois. Mieux, il démontre les capacités de la France à fournir des essences parfaitement adaptées. La grande nouveauté était, pour nous, de construire en bois 100 % français. L’exercice s’annonçait d’autant plus ardu que l’ONF exigeait que nous utilisions son bois, autrement dit, du bois de bord de route.
Fiche technique
Ville : Maison-Alfort
Maitrise d’ouvrage : Office national des forêts (ONF)
Architectes : Vincent Lavergne Architecture + Atelier WOA
BET : Egis, Elioth
Entreprise Générale : Groupe City Construction
Surface : 7 760m² SDP
Livraison : 2022
Texte : Jean-Philippe Hugron
Photos : Juan Jerez
– retrouvez l’article Réalisation sur le siège de l’ONF dans archistorm 116 daté septembre – octobre 2022