Au cœur du quartier historique Vauban à Lille, une remarquable transformation architecturale vient de s’achever. Les anciens locaux du bailleur Partenord Habitat et du Tribunal Administratif, un imposant bâtiment de style international datant de 1980, ont été entièrement repensés pour accueillir l’école de management IÉSEG. Baptisé Vauban 27, ce projet ambitieux signé par l’architecte Stéphane Degroote du groupe Link Lab illustre la capacité de l’architecture contemporaine à adapter le patrimoine bâti aux besoins actuels tout en respectant son histoire.
Un défi architectural et technique
La transformation de l’ancien siège de Partenord Habitat et des bureaux du Tribunal Administratif de Lille, situés au 27 boulevard Vauban, en nouveau bâtiment d’enseignement pour l’IÉSEG, a représenté un véritable défi architectural et technique pour l’équipe de Link Lab France, menée par l’architecte Stéphane Degroote. Construit entre 1979 et 1981 par les architectes R&M Clément basés à Lomme près de Lille, associés à CAA à Paris, l’édifice d’origine remplaçait un ensemble du XIXe siècle. De style international, il exprimait une réaction aux compositions verticales et richement décorées des immeubles bourgeois du boulevard. Sa structure en poteaux-
poutres en béton, ses dalles en béton coulées sur des coffrages perdus en tôles fibrociment ondulées et ses façades rythmées de châssis isolés et de remplissages en granit rose étaient représentatives des avancées techniques de l’époque. Pour Stéphane Degroote, le principal enjeu résidait dans la transformation de l’existant avec un changement d’usage. « Un établissement d’enseignement présente des besoins en programmes et surfaces qu’un usage tertiaire ne propose pas de fait. La proportion des espaces, le rapport aux extérieurs, les flux internes et les notions d’usages sont différents » explique-t-il. Ainsi, le programme comprend une destruction partielle de deux volumes de 160 m² situés à l’arrière de la parcelle, la restructuration lourde de 10 000 m² et des extensions de 2 000 m². La première est située en cœur d’îlot quand la seconde, sur rue, assure un nouveau style à l’édifice qui affiche désormais en façade un grès de couleur blanche – une mesure d’éclaircissement pour lutter contre l’effet îlot de chaleur.
« Un établissementd’enseignement présente des besoins en programmes et surfaces qu’un usage tertiaire ne propose pas de fait. La proportion des espaces, le rapport aux extérieurs, les flux internes et les notions d’usages sont différents. »
Stéphane Degroote, Architecte associé, agence LINK LAB France
Un projet au service des nouveaux modes d’enseignement
Pour répondre aux besoins de l’école de management, les escaliers et ascenseurs existants ont été supprimés afin de libérer les plateaux pour y installer les salles de classe. Les nouvelles circulations verticales, les amphithéâtres et la majorité des espaces de créativité ont été regroupés dans les extensions neuves autorisées par le règlement d’urbanisme. Le bâtiment comprend ainsi, en plus des deux amphithéâtres (respectivement de 260 et 117 places), une cafétéria, un incubateur de start-up, des bureaux destinés au corps enseignant, des espaces modulables pouvant se transformer en salles d’examens, mais aussi des salles dédiées aux associations et des espaces de créativité. Cette programmation répond aux nouveaux modes d’enseignement développés par l’IÉSEG, mêlant cours magistraux, travail collaboratif et apprentissage à distance. Link Lab a imaginé pour l’accueil une « place de village » se prolongeant sur un escalier monumental desservant les cinq niveaux dédiés aux salles de cours. Cet espace central de 600 m² favorise les rencontres et les échanges entre étudiants. La modularité des espaces a constitué une priorité pendant tout le projet.
« Les multiples « accidents » générés par l’interaction des volumes ont été utilisés comme autant d’espaces de co-créativité libres d’accès, assurant le prolongement empirique des cours magistraux donnés dans les classes plus traditionnelles » explique l’architecte. Et pour gagner de précieux mètres carrés dans cet environnement urbain dense, l’un des trois niveaux de parking existants est également aménagé en lieu de vie. L’immeuble atteint aujourd’hui une hauteur de 30 m sur sept étages, pour une surface de plancher totale de 12 000 m².
Un dialogue renouvelé avec l’environnement urbain
L’enveloppe du bâtiment a été entièrement repensée pour s’intégrer harmonieusement dans son environnement tout en affirmant sa nouvelle identité. Sur le boulevard, la façade reprend le rythme vertical des maisons bourgeoises voisines, avec un traitement unifié des deux premiers niveaux pour respecter les proportions classiques. Un matériau minéral clair allège la masse du bâtiment, sobrement percée d’éléments métalliques monochromes. Côté cœur d’îlot, le jeu des volumes issu de l’interprétation de deux règlements d’urbanisme successifs a permis de multiplier les apports de lumière et les espaces extérieurs à chaque étage. « Le résultat peut se comparer à un biface qui, par un traitement architectural très différent entre son « avant » et son « arrière », s’ouvre à la fois sur la ville d’un côté et sur son cœur végétal de l’autre » souligne Stéphane Degroote. Le projet s’inscrit par ailleurs dans une démarche durable destinée à encourager le développement d’une biodiversité urbaine. Pour ce faire, la maîtrise d’ouvrage s’est entourée de la paysagiste Odile Guerrier et a travaillé main dans la main avec les écologues de la ville de Lille et de la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux). Le résultat est une pluralité de terrasses végétalisées de 1 000 m² avec des essences adaptées, l’installation de nids d’abeilles sauvages et de nichoirs à oiseaux, en plus du raccordement au réseau de chaleur urbain.
Un chantier complexe en milieu urbain
La réalisation de ce projet en plein cœur de Lille a nécessité une organisation minutieuse du chantier. Les contraintes liées à l’environnement urbain dense, occupé et historique ont dû être prises en compte à chaque étape. Le désamiantage de certaines structures existantes a constitué un défi supplémentaire. La gestion du chantier a également dû s’adapter aux évolutions du programme liées à la crise sanitaire du Covid-19. « Une seule réponse pour nous : une grande compétence de toute l’équipe, l’ouverture d’esprit et l’ingéniosité de chaque acteur, du concepteur à l’expert, du maître d’ouvrage à l’usager » considère l’architecte. Pour Caroline Roussel, directrice générale de l’IÉSEG, « ce nouveau bâtiment situé à seulement quelques pas de nos locaux historiques vient parfaitement compléter notre campus lillois pour renforcer le rayonnement de l’École ». Avec Vauban 27, l’IÉSEG dispose désormais d’un outil pédagogique moderne et adapté à ses ambitions. Ce projet illustre la manière dont la réhabilitation d’un bâtiment existant peut répondre aux enjeux contemporains de l’enseignement supérieur.
Fiche technique :
Investisseur exploitant : IÉSEG School of Management
Maîtrise d’ouvrage : Nacarat et Carré Constructeur
Maîtrise d’œuvre b Link Lab France (Degroote Architecture et Développement – DAD)
Entreprises : Spie Batignolles Nord, Spie Batignolles Énergie, Farasse, EGD/Revilis
Surface : 2 548 m2 (terrain), 11 975 m2 (plancher) dont 164 m2 (destruction partielle), 10 124 m2 (restructuration) et 1 851 m2 (extension)
Budget : 23 M€ HT
Programme : 48 salles d’enseignement, 2 amphithéâtres, 3 salles d’examens polyvalentes, 32 open spaces étudiants, 1 incubateur, 1 career center, 11 locaux associatifs, 42 bureaux administratifs ou professeurs/chercheurs
Par Laurie Picout
Toutes les photographies sont de : © Samuel Dhote
— Retrouvez l’article dans Archistorm 129 daté novembre – décembre 2024