Restructuration et extension de l’aérogare
L’ancienne piste Gillot accueillait en 1929 le tout premier avion à se poser sur l’île de La Réunion depuis la métropole. Après la Seconde Guerre mondiale, ce terrain devint l’aéroport de la Réunion avec la création d’une piste de près de deux kilomètres et d’une aérogare. Trente ans plus tard, les installations ont été déportées vers le sud de la piste, et l’aérogare actuelle fut construite.
En 2018, les architectes d’AIA Life Designers avec l’ingénieur Jacques Gandemer et Olivier Brabant Architecte remportaient le concours de restructuration et extension de l’aéroport de La Réunion, Roland Garros, dont l’objectif était de répondre à des besoins futurs, non seulement en termes de capacité d’accueil et de flux voyageurs, mais aussi de nécessité environnementale. Leur projet s’inscrivait alors dans les dynamiques impulsées par la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte.
Restructuration pour l’accueil des voyageurs
L’internationalisation croissante des vols et l’essor du tourisme préfigurent une augmentation significative du nombre de voyageurs accueillis à l’aéroport, qui devrait recevoir trois millions de personnes par an d’ici à 2030. En parallèle, une réglementation européenne plus contraignante incite les aéroports à se doter de systèmes de sécurité plus sophistiqués. Ainsi, la nouvelle aérogare intègre une refonte intégrale du système de tri des bagages.
Par la prise en compte de ces éléments, la conception de la nouvelle aérogare participe à une restructuration de l’ensemble du site. En effet, le nouvel édifice accueille les flux des arrivées, tandis que l’ancienne aérogare est désormais dédiée aux départs.
Adossée à la galerie existante qui longe les pistes, l’extension de trois niveaux, construite avec une structure en bois et fermée par de larges surfaces vitrées, s’étend sur 100 mètres de long et 65 mètres de large. Pour la réalisation de cette extension de 13 200 m², située dans la partie ouest de l’aéroport, l’usage de matériaux naturels a été privilégié.
Réponses aux contraintes atmosphériques insulaires
Le bureau d’étude spécialisé en équipements techniques de l’Inset a travaillé sur l’adaptation des pratiques et des réglementations métropolitaines afin d’améliorer les techniques de construction de l’architecture en climat tropical, tout en réduisant l’empreinte carbone. Dans ce contexte tropical humide, la climatisation représente la principale source de consommation énergétique. Face à ce constat, la conception a été élaborée afin de tirer parti des vents locaux et de se passer de système de climatisation.
L’extension, construite en retour du bâtiment existant, est pourvue d’une toiture ondulante et fendue qui favorise une ventilation naturelle efficace en bénéficiant du fort potentiel éolien du site. La mise en œuvre de cette faille centrale, ce « canyon », consiste à créer des écoulements d’air et à augmenter en conséquence les échanges thermiques avec l’air ambiant. Ce dispositif permet d’abaisser la température ressentie de 5°C. Les surfaces climatisées ont été réduites à seulement 7% de la surface totale du bâtiment, une diminution significative qui a permis d’atteindre un gain énergétique de 60% par rapport à la configuration initiale.
Afin de minimiser les apports solaires tout en favorisant l’éclairage naturel, les façades de la nouvelle aérogare entièrement vitrées se composent de simples vitrages à contrôle solaire, montés sur ossature métallique. Sur une hauteur de quatre mètres, ces vitrages sont équipés de ventelles, constituées de lames amovibles motorisées dont l’orientation est ajustée en fonction de la vitesse du vent et des apports de lumière du jour. Pour compléter ce dispositif, des protections solaires, sous forme de toiles tendues, ont été installées sur les façades est et ouest.
Végétation et biodiversité endémiques
En outre, la végétation tient un rôle primordial dans ce projet. En plus de la végétalisation de la faille en couverture, une partie des espaces intérieurs et extérieurs a également été végétalisée.
Le choix des espèces a été réalisé en collaboration avec le Conservatoire de la biodiversité de La Réunion et en partenariat avec un paysagiste local et une pépinière. Une attention particulière a été portée au choix de variétés endémiques, afin de favoriser la préservation de la biodiversité locale.
Ainsi, dans une logique bioclimatique, l’ensemble ne dispose ni de chauffage, ni de climatisation, ni même de ventilation mécanique, mais a été conçu en réponse aux contraintes atmosphériques de l’île. Du fait de son envergure, cette aérogare bioclimatique représente une première mondiale dans un environnement tropical.
Texte : Cléa Calderoni
Photos : AIA Life Designers
— Lire l’article dans Archistorm 126 daté mai – juin 2024