Depuis 2019, le projet de réhabilitation d’un ancien hangar a pris vie, offrant ainsi une nouvelle destination culturelle à ce site emblématique. L’initiative a été le fruit d’une collaboration étroite entre Art Explora, qui assure désormais la gestion du lieu pour son programme culturel, Vinci Immobilier délégataire de la maîtrise d’ouvrage, DATA Architectes et Urban Act en charge respectivement du Hangar Y et des Pavillons. VP & Green engineering, a contribué en tant que concepteur technique de la structure et des façades.
Aujourd’hui, ce hangar se transforme en une œuvre d’art architecturale et culturelle grâce à cette collaboration fructueuse. Ce projet témoigne de la valeur du partenariat et de la créativité pour insuffler une nouvelle vie aux espaces oubliés et créer des lieux uniques où l’art et la culture rayonnent. Le futur lieu d’exposition promet d’accueillir un public avide de découvertes, célébrant ainsi le mariage harmonieux entre patrimoine et modernité.
Entretien avec Thomas Souchon, Directeur général adjoint – Associé, VP & Green engineering
En tant que bureau d’étude, comment avez-vous collaboré avec les agences DATA et Urban Act ? En quoi votre intervention sur le projet Hangar Y a-t-elle consisté ?
Trois sujets clé ont été abordés lors de cette réhabilitation audacieuse, chacun contribuant à la réussite de ce projet emblématique.
Les mezzanines intérieures ont constitué un premier élément de dialogue avec l’ouvrage existant. Leur positionnement, matérialité et rythme ont été soigneusement explorés pour résonner avec le lieu. La solution retenue opte pour une ossature indépendante de la structure existante. L’élancement des poteaux et la finesse des gardes corps, donne à lire un plancher qui évolue entre les nefs latérales, et enjambe les locaux techniques abrités dans des boîtes.
La façade nord du hangar a été le point central d’une recherche intensive menée par les architectes. Le dessin, mettant en lumière un rond central symbolisant les dirigeables d’époque, a rapidement été adopté. Cependant, le véritable défi était de trouver un équilibre entre esthétique, stabilité et intégration à l’histoire du lieu.
Pour assurer sa stabilité, la façade repose partiellement sur la charpente du hangar, avec des points d’appui en partie haute et une poutre au vent, posée horizontalement à l’intérieur. Après avoir envisagé des solutions où l’ossature serait complètement indépendante, l’équipe a opté pour un principe qui est en fait celui que l’on retrouve sur les deux façades pignons existantes. Le pignon côté sud-est classé et il a donc été refait à l’identique dans le cadre d’une intervention monument historique.
Le pignon nord existant a été un ajout plus tardif dans la vie du bâtiment et l’objectif du projet était d’avoir la façade de verre très transparente que l’on connaît aujourd’hui.
Enfin, le site accueille, au bord du bassin conçu par Le Nôtre, deux pavillons abritant un restaurant et un atelier de séminaires. La toiture des pavillons, plissée en origami, vient se poser délicatement le long de la berge sur des trépieds en acier. La façade vitrée et les remplissages en brique définissent une limite poreuse entre intérieur et extérieur décorrélée de la toiture. La structure apparente s’inscrit dans le prolongement du Hangar, par l’emploi des mêmes matériaux : l’acier, la brique et le bois.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans le projet architectural ?
Pour le Hangar, c’est la simplicité de l’écriture architecturale qui cache de nombreux enjeux techniques et pour les pavillons, c’était plutôt leur géométrie complexe. Cela implique de concevoir des éléments à la fois esthétiquement agréables et fonctionnellement performants. Le travail ne s’est pas arrêté là. Une fois le principe établi, il a fallu le formaliser en détail, savoir s’adapter aux réalités du terrain et collaborer avec les entreprises pour concrétiser le plan initial.
La toiture des pavillons a été l’occasion de déployer une créativité géométrique, qui se démarque sans concurrence avec le Hangar. Si la toiture plissée offre une originalité esthétique, elle est aussi d’une grande efficacité structurelle, permettant d’offrir un grand porte-à-faux sur le bassin sans engendrer une consommation démesurée de matière. Trouver des solutions techniques innovantes tout en préservant l’essence historique du lieu a été au cœur des préoccupations des concepteurs.
Votre équipe a-t-elle été confrontée à des difficultés techniques ?
La façade nord comporte deux types de portes monumentales qui ont été conçues et dessinées pour être les plus discrètes possibles. Les portes coulissantes, les plus « petites », constituent les accès courants du hangar. Ce sont des panneaux de 15 m² verre et d’acier pesant près d’une tonne et dont il a fallu optimiser le poids pour rester compatible avec la limite de capacité des moteurs. Mais le véritable défi résidait dans les très grandes portes de plus de 5 m de large et 11 m de haut pesant environ six tonnes chacune. Nous les avons dessinées avec une ossature acier de section identique à celle qui supporte la façade. Il a été choisi de ne pas les motoriser. L’intégration et le réglage des pivots et roulettes permettant la manœuvre ont été une prouesse d’ingénierie en soi. Les deux mezzanines intérieures étant totalement indépendantes de la charpente du Hangar. Il a fallu enjamber l’infrastructure existante avec un réseau de cinq cents mètres linéaires de longrines sur 90 micropieux. Le bassin de Le Nôtre collectant les eaux des différentes collines environnantes, une nappe d’eau affleurante a davantage compliqué la réalisation de ces ouvrages.
Les pavillons situés au bord de l’eau ont également posé un défi particulier. À la base, la structure était prévue intégralement en bois, le choix a été fait par la suite dans un but d’optimisation économique de réaliser la géométrie tridimensionnelle avec des profilés aciers du commerce type IPE. L’orientation des poutres dans l’espace ne permet pas de recevoir directement le complexe de couverture. Pour éviter une épaisseur structurelle supplémentaire en interface, des supports en bois ont été réalisés sur mesure à partir du modèle 3D. Cette approche a permis d’éviter une surconsommation de matière, et d’offrir davantage de finesse au complexe de toiture.
Quelles sont les exigences auxquelles vous avez dû répondre ?
Dès les premières étapes du projet, une exigence primordiale était de satisfaire au programme culturel ambitieux tout en respectant le budget imparti. Les architectes ont porté l’étendard de cette ambition en gardant un œil attentif sur le respect de l’image architecturale qui a séduit tous les acteurs du projet.
L’ingénierie a joué un rôle crucial pour relever ces défis et cela se retranscrit notamment dans les détails de la façade nord. Nous avons conçu un système de maintien des vitrages en adaptant les techniques de fixation parclosées caractéristiques des façades en aluminium sur l’ossature structurelle de la façade en acier. Le travail sur ces détails a fait l’objet de nombreux allers-retours pour convaincre et rassurer les parties prenantes, notamment la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).
L’exigence envers le patrimoine historique et le respect du monument ont été des sujets portés par toutes les équipes. Les contraintes classiques de respect de l’existant et de limitation de l’intervention ont été abordées avec un soin minutieux.
Quels temps forts retenez-vous ?
Dès le début du projet, le respect du planning global de l’opération était un objectif majeur. L’impact s’est ressenti sur les études qui ont dû être développées rapidement par l’engagement de l’ensemble des intervenants, en incluant les entreprises.
Cette contrainte a aussi orienté les choix de conception vers des solutions efficaces et simples à réaliser. Les échanges avec les entreprises ont nourri le projet, qui a su évoluer selon leur méthodologie, mais sans perdre son essence. La charpente en toiture des pavillons, par exemple, a été étudiée jusqu’à la phase Exécution par VP & Green engineering, en intégrant les besoins de l’entreprise. Cette approche de la conception courante chez les Anglo-Saxons, mais moins dans nos contrées, a permis d’éviter toute perte d’information, ou de vitesse lors du passage en phase chantier.
Mais le point culminant a été sans aucun doute la construction de la façade. Les portes monumentales, pour cet espace culturel unique, ont constitué un défi exceptionnel. Avec des hauteurs atteignant 11 m, le transport et l’installation ont nécessité des prouesses avec des transports exceptionnels pour amener les portes en deux morceaux préfabriqués en usine et les assembler sur place.
Les étapes clé de la réalisation, capturées en images, montrent cette transfiguration depuis l’ancien hangar vers ce lieu culturel emblématique.
Visuel à la une : Photo © Adeline Bommart
— retrouvez l’article sur Hangar Y, Meudon dans Archistorm 122 daté septembre – octobre 2023 !