Ouvrage d’art long de 200 mètres enjambant les 29 voies ferrées qui séparent les quartiers Amédée Saint-Germain et Armagnac, le pont de la Palombe est construit au sud de la gare Saint-Jean, à Bordeaux. Il s’érige au cœur d’un quartier empreint d’une histoire fortement liée à son activité ferroviaire.
En 1855, une gare provisoire est construite en face du cours Saint-Jean afin d’accueillir les trains de la ligne Bordeaux-Langon. La gare de Bordeaux Saint-Jean qui la remplace, construite sous la conduite du maître d’œuvre Marius Toudoire en 1899, voit le jour à une époque où le développement important des chemins de fer mène au besoin d’une gare plus vaste. Le projet s’inscrit dans le cadre d’un concours ouvert à l’échelle de l’ensemble des secteurs de la ZAC. Conçu par le groupe Artelia et l’équipe d’architecture Mimram, construit et posé par Bouygues Travaux Publics et le groupe Victor Buyck Steel Construction, le pont est inauguré à l’issue d’un chantier pharaonique. Ce viaduc faisant partie intégrante du programme d’aménagement Bordeaux Euratlantique atténue désormais la frontière physique créée par les voies ferrées.
Un quartier empreint d’histoire ferroviaire
Le pont de la Palombe s’érige au cœur d’un quartier empreint d’une histoire fortement liée à son activité ferroviaire. La verrière de 296 mètres recouvrant les quais sur une étendue de 12 700 m² en constitue le point de mire. La totalité du complexe est inscrite au titre des monuments historiques depuis 1984.
Dans la continuité de la gare primitive, une passerelle ferroviaire franchissant la Garonne fut construite par la Compagnie générale des chemins de fer dès 1860. L’ouvrage de 509 mètres de long est supporté grâce à un système mis en place par les ingénieurs Stanislas de Laroche-
Tolay et Paul Régnault sous la direction de Gustave Eiffel. La passerelle est classée monument historique depuis 2010.
Enfin, l’ancien château d’eau des ateliers ferroviaires, construit par la Compagnie des chemins de fer du Midi, entre 1854 et 1857, à proximité de la rotonde d’entretien, était dédié à la réparation des locomotives à vapeur, puis plus tardivement, des autorails. Ce château d’eau servait également à alimenter les pompiers en eau, avant l’arrêt de son activité en 1994. L’édifice est laissé en friche jusqu’à son inscription au titre des monuments historiques en 2018. Cette construction, rebaptisée « Les citernes », revêt un caractère monumental avec ses quatre arcades en plein cintre surmontées de citernes culminant à 15 mètres de hauteur, trônant au centre du nouveau quartier Amédée Saint-Germain.
Dispositif pivot du projet urbain Bordeaux Euratlantique
Au cœur de cette aire ferroviaire historique, le nouveau viaduc structure le programme d’aménagement Bordeaux Euratlantique. Face à la nécessité d’harmonisation entre les différents projets de développement initiés dès les années 2000 dans le cadre du programme « Bordeaux 2030 », l’Établissement public d’aménagement de Bordeaux Euratlantique se voit confier la mise en œuvre du projet global. Il s’agit du plus important programme d’aménagement urbain engagé en France, établi sur 730 hectares et quatre secteurs géographiques : Saint-Jean Belcier, Garonne-Eiffel, Bègles-Faisceau, Bègles-Garonne.
Le franchissement du pont de la Palombe constitue un nouvel axe de circulation qui permet d’atténuer la frontière entre les zones situées de part et d’autre des voies ferrées. Le pont traverse les voies ferrées depuis la rue des Gamins, dans le quartier Saint-Jean Belcier, jusqu’à la nouvelle rue des Ateliers, dans le quartier Amédée Saint-Germain. Conçu comme un pivot et un outil de liaison, ce service urbain s’adresse au proche comme au lointain. Il prend part à l’harmonisation de la pratique quotidienne tout en s’insérant dans le grand paysage des voies de chemin de fer. Morcelé, inégalement densifié et excentré, ce secteur de l’agglomération est jusqu’alors caractérisé par une juxtaposition de quartiers. Le nouveau dispositif urbain, élément essentiel à la reconquête du secteur, répond à l’objectif d’amélioration des liens du maillage entre les quartiers, en premier lieu entre le domaine Amédée et le domaine Armagnac.
Esthétique et ingénierie d’un ouvrage d’art singulier
Le pont de la Palombe est accessible aux transports en commun comme aux cyclistes et aux piétons. Un espace accolé au viaduc permet la liaison piétonne entre le nouveau quartier Amédée et la gare. La partie centrale du viaduc longue de 150 mètres est prolongée par deux rampes d’accès de 195 mètres du côté Amédée Saint-Germain, et de 185 mètres côté Armagnac. Sur 100 mètres de virage, un prolongement de la piste a été construit en acier sur la structure en béton de la rampe Armagnac.
L’architecte Marc Mimram conçoit ce pont comme un espace public et objet signal de la ville et des territoires reconquis le long des voies de chemin de fer. Dessiné en trois parties avec la rampe courbe Armagnac, le franchissement principal et la rampe côté Amédée Saint-Germain, le pont est surmonté d’arches asymétriques réalisées par découpage numérique. Ce système de poutre en arc convoque l’image des voiles d’un bateau. Cette asymétrie transversale se veut d’ordre structurel, elle permet de distribuer les différents espaces de circulation. Les deux arches se distinguent par leur structure en dentelle d’acier et matérialisent une démarcation entre les circulations douces et les véhicules à moteur. Les voies de mobilités douces se voient ainsi séparées de la circulation par un élément de structure métallique très visuel.
L’architecture et ses matériaux font écho à l’histoire ferroviaire du site, principalement l’acier patinable utilisé pour le tablier.
D’un point de vue technique, le projet se compose d’un ouvrage de franchissement principal, en charpente métallique, de la rampe d’accès côté Amédée, puis des ouvrages de la rampe en béton armé et remblais accessible par le côté Armagnac. La structure est entièrement métallique, le béton étant utilisé pour les fondations profondes, les piles et rampes d’accès. Le franchissement principal se découpe en trois travées reposant sur deux piles pour une longueur totale de 200 mètres. Le gabarit au niveau des voies ferrées atteint les 6,50 mètres de hauteur. Le tablier positionné en dessous de la plateforme routière a été acheminé depuis la Belgique en une cinquantaine de tronçons assemblés et soudés sur le chantier. Il se dessine en un caisson à dalle orthotrope à inertie variable, complété en superstructure par deux poutres en treillis, dont l’inertie est nécessaire au fonctionnement statique du pont. Alors qu’à l’est, la culée creuse crée un espace accessible par un escalier, pouvant accueillir des activités, à l’autre extrémité, des piliers dentelés participent à l’insertion paysagère de l’ouvrage. Intégré au paysage, cet ouvrage d’art n’en demeure pas moins monumental. En plein cœur de ville, le pont surprend par son esthétique singulière. L’œuvre architecturale, par son dessin et ses lignes, est appelée à devenir le nouvel emblème du secteur.
Par Cléa Calderoni
Toutes les photographies sont de © Erieta Attali
— Retrouvez l’article dans Archistorm 131 daté mars – avril 2025